Ha’aretz, 8 avril 2008

Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Mardi soir, le groupe pour la paix le plus important en Israël marquait une borne douce-amère, 30 ans depuis sa fondation. L’appel de Shalom Akhshav à la création d’un Etat palestinien à côté de l’Etat d’Israël est aujourd’hui considéré en Israël comme largement consensuel, mais la paix elle-même demeure douloureusement lointaine, disaient des représentants du mouvement.

Pour cet anniversaire, Shalom Akhshav avait planté une grande tente blanche sur la place centrale de Tel-Aviv, le lieu des grandes manifestations en Israël, mais aussi le lieu où Itzhak Rabin a été assassiné en 1995 par un fanatique religieux ultranationaliste qui tentait de saboter les efforts de Rabin d’échanger la terre contre la paix avec les Palestiniens.

Dans une tente annexe, une série d’affiches montrait l’histoire de Shalom Akhshav, depuis sa fondation en 1978 par des officiers de réserve jusqu’aujourd’hui.

En regardant l’exposition, Yaïr Inov, 81 ans, militant vétéran de Shalom Akhshav, s’est reconnu sur une photo des années 80 où apparaissent quelques militants qui manifestaient sur le site d’une nouvelle colonie de Cisjordanie : « Dans une certaine mesure, c’est un jour triste. Je ne peux pas dire que ces 30 ans soient un succès. La clé, c’est un accord avec les Palestiniens. »

« Notre message principal consiste à dire que ceux qui souhaitent vraiment faire la paix dans un an doivent changer totalement de logiciel », dit Yossi Beilin, député du parti Meretz. « Si notre comportement ne change pas, un accord n’est certainement pas envisageable cette année. »

A l’époque où Shalom Akhshav fut fondé, les négociations avec l’OLP et la création d’un Etat palestinien à côté d’Israël étaient encore considérées par de nombreux Israéliens comme des idées extrémistes. Pendant les décennies qui ont suivi, le pays est resté divisé entre ceux qui sont prêts à renoncer à la plus grande partie des territoires conquis en 1967 et ceux qui ne le sont pas. Toutefois, depuis quelques années, le consensus a changé de camp, et les sondages indiquent qu’une majorité d’Israéliens sont prêts à un accord d’échange de la terre contre la paix. Cela dit, de nombreux Israéliens doutent aussi du fait que les Palestiniens appliqueraient réellement cet accord éventuel, en partie à cause de l’influence grandissante du Hamas, qui souhaite toujours la destruction d’Israël.

Yariv Oppenheimer, secrétaire général de Shalom Akhshav, note que l’expansion des colonies s’est poursuivie sans discontinuer depuis 30 ans. Aujourd’hui, quelque 450.000 Israéliens vivent sur des territoires revendiqués par les Palestiniens, et il deviendra de plus en plus difficile de créer un Etat palestinien : « Nous avons eu quelques résultats, et les colons en ont eu beaucoup, mais sans Shalom Akhshav, je pense que la Cisjordanie serait dans un état encore pire que celui dans lequel elle est aujourd’hui. »

Depuis quelques années, Shalom Akhshav surveille l’expansion des colonies et publie fréquemment des rapports. « Shalom Akhshav veut céder la patrie juive historique à l’ennemi, ce qui fait d’eux des traîtres qui nous plantent un poignard dans le dos », dit un colon présent au meeting. Un autre représentant de colons ajoute : « Le résultat de tout cela (rendre les territoires colonisés) n’est pas la paix maintenant mais la guerre maintenant, une guerre terroriste de bien plus grande ampleur qu’auparavant. »

Sufyan Abou Zaydeh, ancien ministre palestinien, était lui aussi présent au meeting de mardi. Il est d’accord pour reconnaître que les attitudes ont changé depuis 30 ans [en Israël], mais il ajoute : « Malheureusement, les problèmes demeurent toujours les mêmes problèmes. »