Initiative de Genève, 25 décembre 2007
[->http://www.geneva-accord.org/General.aspx?docID=2596&FolderID=45&lang=en]
Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Ce sondage indique que, malgré la déception qui a suivi la réunion d’Annapolis, environ la moitié des Israéliens et des Palestiniens sont en faveur d’un accord sur les principes de l’Initiative de Genève, et que deux tiers des deux côtés un processus de réconciliation pleine et entière si un accord de paix était signé. Voici les résultats d’un sondage effectué conjointement, entre le 11 et le 19 décembre 2007, par le Harry S. Truman Research Institute for the Advancement of Peace (université Hébraïque de Jérusalem) et le PSR (Palestinian Center for Policy and Survey Research de Ramallah).
Ce sondage simultané a étudié l’opinion des Israéliens et des Palestiniens sur la conférence d’Annapolis, et ce qu’ils en attendaient. Les résultats indiquent une extrême déception et un grand scepticisme concernant la capacité de leurs dirigeants à tenir leurs engagements, y compris sur le plan du calendrier.
Le sondage a également étudié les attitudes des Palestiniens et des Israéliens à l’égard d’un accord de paix définitif sur les principes des paramètres Clinton et de l’Initiative de Genève.
Les résultats indiquent globalement une stabilité favorable à ces solutions chez les Palestiniens, et un déclin en Israël depuis 2005. Toutefois, malgré ce déclin, il y a toujours une majorité de 53% qui soutient ce type d’accord. Chez les Palestiniens, ce chiffre est de 47%.
Méthodologie : l’échantillon palestinien est composé de 1270 adultes de Cisjordanie et de Gaza. Interviews en face-à-face. Marge d’erreur : 3%. Du côté israélien : 570 adultes interviewés par téléphone en hébreu, arabe ou russe. Marge d’erreur : 4%. Sondage conçu et supervisé par le Dr Yaakov Shamir (Truman Institute) et le Dr Khalil Shikaki (PSR).
Principaux résultats
(A) La conférence d’Annapolis
Seuls 16% des Israéliens et 11% des Palestiniens considèrent qu’Annapolis a été un succès, et 74% et 59% respectivement la considèrent comme un échec.
Les espoirs des deux côtés mis dans la capacité potentielle de la conférence à tempérer la violence du conflit sont très faibles. 3% des Israéliens et 18% des Palestiniens pensent qu’après Annapolis, des négociations vont se mettre en place et les confrontations armées s’arrêter. 39% des Israéliens et 42% des Palestiniens pensent que des négociations vont débuter, mais que les confrontations armées ne vont pas s’arrêter. Et 55% des Israéliens et 32% des Palestiniens pensent qu’il n’y aura ni négociations ni arrêt des confrontations.
Les opinions des deux côtés sont également sceptiques à l’égard de la capacité de leurs dirigeants à respecter leurs engagements pris lors de la déclaration commune. Dans leur déclaration conjointe, Olmert et Abbas ont déclaré que les deux côtés chercheraient à conclure les négociations de pax avant la fin de l’année 2008. Mais seuls 23% des Palestiniens et 8% des Israéliens pensent qu’ils ne réussiront pas à tenir ce calendrier.
Dans leur déclaration commune, Olmert et Abbas s’étaient également engagés à mettre immédiatement en œuvre leurs obligations respectives dans le cadre de la Feuille de route. Mais seuls 18% des Palestiniens et 21% des Israéliens pensent que l’autre côté remplira ses obligations. D’autre part, 67% des Palestiniens et 59% des Israéliens pensent que leurs propres dirigeants les rempliront si, de l’autre côté, elle sont également remplies.
(B) Paramètres Clinton, Genève
Les paramètres Clinton relatifs à un accord israélo-palestinien définitif ont été présentés par le président Clinton lors d’une réunion avec des représentants israéliens et palestiniens le 23 décembre 2000 [à Taba], après l’échec du sommet de Camp David en juillet 2000. L’Initiative de Genève, qui reprend globalement les mêmes idées, a été rendue publique fin 2003. Ces paramètres traitent des questions les plus essentielles du conflit : frontières et échanges de territoires, réfugiés, Jérusalem, une Palestine démilitarisée, dispositifs de sécurité et fin du conflit. Depuis décembre 2003, nous avons traité à plusieurs reprises de ces questions cruciales, et le présent sondage les aborde à la suite de la conférence d’Annapolis et de la reprise des pourparlers entre les parties. Les résultats obtenus indiquent une stabilité du soutien à un accord global (« package deal ») chez les Israéliens par rapport à 2006, avec une légère majorité (53%) en faveur de cet accord. 2006 marquait un fort déclin par rapport aux années 2005 et 2004, où ce soutien approchait les 2/3. Chez les Palestiniens, on constate une même stabilité, avec une minorité (47%) en faveur de cet accord. Depuis 2003, année où nous avons commencé à suivre ces questions, nous n’avons constaté une majorité favorable des deux côtés qu’en décembre 2004, peu après le décès d’Arafat, qui avait donné lieu à un sursaut d’optimisme et de modération dans les deux opinions publiques. Chez les Israéliens, il y a toujours eu une majorité en faveur des paramètres Clinton depuis 2004, mais cette majorité se réduit peu à peu. Chez les Palestiniens, le soutien à ces propositions semble avoir été davantage affecté par le désengagement et la déception qui a suivi que par l’arrivée du Hamas au pouvoir. Le soutien des Israéliens a décliné à la suite des événements politiques intérieurs palestiniens, et ne semble pas avoir été affecté par le désengagement. Ci-dessous, nous revenons en détail sur les attitudes à l’égard de chacun des paramètres Clinton
1. Frontières définitives et échanges de territoires
56% des Palestiniens sont très favorables ou favorables (42% défavorables) à un retrait israélien de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, à l’exception d’un certain nombre de colonies dont la superficie représenterait moins de 3% de la Cisjordanie, superficie échangée contre une superficie équivalente en Israël, en accord avec une carte présentée aux personnes palestiniennes interrogées. Cette carte était identique à celle qui était présentée en décembre 2006, alors que le soutien à cette solution de compromis, avec cette carte, s’établissait 61% (37% d’opposition). Du côté israélien, 46% sont favorables à cette solution (50% opposés). En décembre 2006, 44% des Israéliens l’approuvaient, 54% la désapprouvaient.
2. Réfugiés
39% des Palestiniens (contre 57%) soutiennent un règlement de la question des réfugiés où les deux côtés seraient d’accord pour que la solution soit fondée sur les résolutions 194 et 242 des Nations unies. Dans ce cadre, les réfugiés auraient le choix entre 4 lieux de résidence : l’Etat palestinien, y compris les zones israéliennes échangées dans le cadre d’un échange territorial mentionné plus haut, où aucune restriction ne serait imposée à un éventuel retour ; et trois autres lieux (dans des pays hôtes, tiers et Israël) où la résidence serait soumise à l’accord de ces pays. Pour fonder sa décision [d’accueillir ou non des réfugiés], Israël tiendrait compte le nombre moyen de réfugiés accueillis dans des pays tiers, en Australie, en Europe, au Canada, ou autres. Tous les réfugiés auraient droit à des indemnités pour leur statut de réfugiés et la perte de leurs biens. En décembre 2006, 41% des Palestiniens se déclaraient favorables à un compromis identique (contre 54%). Du côté israélien, 44% y sont favorables (contre 54%). En décembre 2006, on notait 38% d’opinions favorables (contre 60%).
3. Jérusalem
Dans l’opinion publique palestinienne, 36% des personnes interrogées (contre 63%) soutiennent un compromis dans le cadre duquel Jérusalem Est deviendrait la capitale de l’Etat palestinien, les quartiers arabes passant sous souveraineté palestinienne et les quartiers juifs sous souveraineté israélienne. La Vieille Ville (y compris al Haram al Sharif, ou Mont du Temple) passerait sous souveraineté palestinienne à l’exception du Mur des Lamentations et du Quartier juif, sous souveraineté israélienne. En décembre 2006, ce même compromis recueillait 39% d’opinions favorables chez les Palestiniens (contre 59%). Chez les Israéliens, 36% des personnes interrogées se déclarent d’accord avec cette solution, contre 63%. En décembre 2006, les pourcentages étaient de 38% (favorables) et 60% (défavorables).
4. Etat de Palestine démilitarisé
Chez les Palestiniens, 23% soutiennent (contre 76% qui s’y opposent) la création d’un Etat palestinien indépendant qui ne disposerait pas d’armée, mais d’une force de sécurité importante, ainsi du déploiement d’une force multinationale chargée d’assurer sa sécurité. Dans ce cadre, Israël et la Palestine s’engageraient à stopper toute forme de violence contre l’autre côté. En décembre 2006, le même compromis bénéficiait du soutien de 28% des personnes palestiniennes interrogées (contre 70%). Sur cette question, le soutien des Palestiniens est au plus bas. Au contraire des réfugiés et de Jérusalem, cette question n’a pas fait l’objet du débat public qu’elle méritait, car pouvant devenir un obstacle majeur aux efforts de parvenir à un accord. Du côté israélien, 61% sont pour, et 38% contre ce compromis (en décembre 2006, 62% pour, 36% contre).
5. Dispositifs de sécurité
51% des Palestiniens (contre 47%) soutiennent un compromis où l’Etat palestinien aurait la souveraineté sur son espace terrestre, aérien et maritime, mais où Israël aurait le droit d’utiliser l’espace aérien palestinien pour y effectuer des manœuvres, et maintiendrait pendant 15 ans deux stations de détection précoce en Cisjordanie. Une force multinationale demeurerait postée dans l’Etat palestinien et à ses points de passage frontaliers pour une période indéfinie. La tâche de cette force multinationale serait de surveiller l’application de l’accord, ainsi que les frontières et la côte de l’Etat palestinien. En décembre 2006, 42% des Palestiniens se déclaraient d’accord avec cette solution (contre 55%). Au sein de l’opinion publique israélienne, 53% soutiennent ce dispositif (contre 44%). En décembre 2006, 51% étaient favorables (contre 47%).
6. Fin du conflit
66% des Palestiniens (contre 32%) soutiennent un compromis sur une fin du conflit, qui stipulerait qu’à partir du moment où l’accord de paix définitif serait pleinement appliqué, cela signifierait la fin du conflit pour les deux parties, qui ne pourraient faire valoir aucune autre revendication. Les parties reconnaîtraient la Palestine et Israël comme patrie de leur peuple respectif. En décembre 2008, du côté palestinien, 62% répondaient favorablement, contre 34%. Au sein de l’opinion publique israélienne, 67% soutiennent cet aspect du règlement définitif (contre 30%). En décembre 2006, 68% étaient favorables (contre 30%).
Chez les Palestiniens, cet accord global qui combine tous ces éléments est soutenu par 47% des personnes interrogées, contre 49%. Ce niveau de soutien est comparable à celui observé en décembre 2006 (48% pour, 49% contre). Cette stabilité constatée dans l’opinion palestinienne mérite qu’on s’y arrête, compte tenu des positions officielles et déclarées du Hamas à l’égard d’un accord de paix avec Israël. Il est tout aussi important de noter l’augmentation de 4% concernant la question de la fin du conflit, en contradiction flagrante avec le refus du Hamas d’accepter une clause de ce genre, préférant offrir à Israël une hudna (trêve) à long terme. Chez les Israéliens, 53% (contre 43%) sont favorables à un accord global comprenant toutes les composantes citées plus haut. En décembre 2006, 52% y étaient favorables, contre 46%.
Il est important de faire remarquer que cette forme de soutien à un accord global représente davantage que la somme de ses parties, ce qui suggère que les peuples se livrent à des calculs et à des marchandages. En dépit de fortes réserves à l’égard de certaines de ses composantes, cet accord global bénéficie toujours d’un soutien plus important, au sein des deux opinons publiques, quand les composantes souhaitées et les chances de parvenir à un accord définitif paraissent compenser les composantes non souhaitées.
37% des Israéliens estiment que la majorité de leurs compatriotes soutient les paramètres Clinton dans le cadre d’un accord global, alors que 51% pensent que la majorité s’y oppose. Ces perceptions erronées montrent la facette normative de l’opinion publique et indiquent que, malgré le soutien constant dont a bénéficié cet accord global, celui-ci n’a pas acquis une légitimité normative dans l’opinion publique israélienne. Chez les Palestiniens, 45% pensent aujourd’hui qu’une majorité de leurs compatriotes soutient les paramètres Clinton dans le cadre d’un règlement définitif global, et 46% pensent que la majorité s’y oppose. En outre, une majorité de Palestiniens estime à tort que la majorité des Israéliens est opposée à cet accord global, et une majorité d’Israéliens estime, à raison, qu’une majorité de Palestiniens y est opposée.
C) Autres questions liées au conflit et à sa résolution
66% des Israéliens sont en faveur de négociations entre Israël et Mahmoud Abbas sur un accord de paix définitif. Mais, malgré ce niveau de soutien, seuls 41% des Israéliens pensent qu’il est possible (contre 57% qui pensent qu’il est impossible) de parvenir actuellement à un compromis entre Abbas et Olmert. Chez les Palestiniens, 32% pensent que c’est possible (contre 63%).
58% des Israéliens sont en faveur de négociations avec un gouvernement palestinien d’union nationale qui comprendrait le Hamas, si cela était nécessaire pour parvenir à un compromis. Quant à des négociations avec un gouvernement dirigé par le Hamas si cela est nécessaire à un accord de compromis, 46% des Israéliens y sont favorables et 52% opposés,
65% des Israéliens et 49% des Palestiniens sont d’accord avec la proposition selon laquelle, une fois intervenu un accord définitif sur toutes les questions touchant au conflit, il y aurait une reconnaissance mutuelle d’Israël en tant qu’Etat du peuple juif et de la Palestine en tant qu’Etat du peuple palestinien. 32% et 49%, respectivement, ne sont pas d’accord. C’est la première fois depuis juin 2003 que cet aspect ne recueille pas une majorité chez les Palestiniens. On peut raisonnablement supposer qu’il s’agit d’une réaction aux déclarations publiques des dirigeants palestiniens contre la reconnaissance de l’identité juive d’Israël, déclarations qui constituaient eux-mêmes une réaction aux tentatives par Israël de soulever cette question et d’en faire une condition préalable à la reprise des pourparlers.
69% des Palestiniens et 74% des Israéliens affirment soutenir les efforts de réconciliation pleine et entière entre Israël et la Palestine si un accord de paix est conclu et qu’un Etat palestinien est créé et reconnu par Israël.