Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Dimanche, le cabinet a décidé de soutenir une proposition de loi du deputé Haïm Druckman (Parti National Religieux) qui a pour but de donner à l’Agence Juive le pouvoir d’allouer des terres de l’Etat exclusivement à des agglomérations juives. Le cabinet a accepté l’appel de la ministre de l’education Limor Livnat contre la décision de la commission législative ministérielle de s’opposer à cette proposition de loi. Le président de cette commission, le ministre de la justice Meir Shitrit, est contre la proposition de loi, mais s’est contenté de s’abstenir lors du vote du cabinet. Les ministres travaillistes, à l’exception d’Ephraïm Sneh, qui a voté contre, n’étaient pas présents lors de la discussion, et n’ont pas fait entendre leurs voix.
Le projet de loi, qui amenderait la Loi Fondamentale sur les terres de l’Etat, et les lois qui réegissent le statut de l’Organisation Sioniste Mondiale et de l’Agence Juive, fait suite à une décision de la Haute Cour de Justice concernant une requête d’Iman et Adel Ka’adan, qui souhaitaithabiter la ville de Katzir. La cour, par une décision prise à 4 voix contre 1, a dit que l’Etat ne pouvait pas faire de discrimination entre Juifs et Arabes dans l’allocation des terres, et ce même de facon indirecte à travers l’Agence Juive.
La décision de la cour, signée par le président de la Cour suprême Aharon
Barak, se fonde sur le principe fondamental de l’égalité, qui s’applique à tous les citoyens israéliens, ainsi qu’il est stipulé dans la Déclaration d’Indépendance, et qui interdit toute discrimination en matière de race, de religion ou de sexe.
Le verdict n’a pas écarté la possibilité d’allouer des terres à des communautés ayant certaines caracteristiques, par exemple une ville religieuse ou ultra-orthodoxe, et a même confirmé une décision précédente permettant la création d’une ville réservée exclusivement aux Bédouins, compte tenu de leurs traditions particulières. Mais il écarte toute possibilité d’allouer des terres d’Etat exclusivement aux Juifs, au motif que cela irait en contradiction avec les principes fondamentaux de la démocratie israelienne, qui considère l’égalité comme une valeur essentielle. La décision a été rendue sur le fond d’une réalité où des terres d’Etat sont alloueés exclusivement à des Juifs.
La loi proposée permettrait d’allouer des terres à une agglomération exclusivement juive, si leministre de la défense declarait que cela était « désirable pour des raisons de sécurité », ou si des ministres responsables de l’application de la loi déclaraient que cela etait « nécessaire pour preserver les caractéristiques de villes formées autour d’un style de vie uniforme, idéologique ou communal, et qui requiert la coopération de ses habitants ». Ces formules alambiquées étaient destinees à atténuer l’opposition au projet de loi, mais ne réussissent pas à dissimuler le fait que son objectif premier est d’empêcher des citoyens non-juifs de l’Etat de vivre dans certains endroits, en violation des droits civiques fondamentaux.
Cette loi, si elle était votée, constituerait un aveu éclatant de l’effondrement de la démocratie israélienne. L’égalité des droits civiques ne contredit en rien la définition qu’Israël se donne a lui-même : un « Etat juif et démocratique ». Le problème de cette loi réside non pas en ce qu’elle tente de contourner la Haute Cour de Justice, mais en ce qu’elle est destinée à contourner la démocratie par son caractère raciste et discriminatoire.
Le projet de loi a été approuvé par le cabinet à la condition que ses auteurs y introduisent des modifications en coordination avec le secrétaire du cabinet, Gideon Sa’ar. Cette condition pourrait servir d’échelle permettant au cabinet de descendre de l’arbre raciste sur lequel il a grimpé. Quels que soient les avantages pratiques qu’y voient les auteurs du projet de loi, ils sont négligeables au regard de la tache indélébile qui affecterait la société israélienne tout entière.