10 juin 2007
S’il n’était question que d’un débat idéologique entre deux organisations engagées sur la question israélo-palestinienne, nous n’aurions probablement pas écrit cet article. Car, qui connaît l’UJFP, comme dirait l’autre? Et, nous rétorquerait-on avec presque autant de raison, qui connaît La Paix Maintenant?
Mais voilà, il s’agit de bien davantage. Il s’agit en réalité des valeurs de la République, de la laïcité et du « vivre ensemble », problèmes qui vont bien au-delà des petites guerres que se livrent des organisations positionnées, ou plutôt qui paraissent l’être, sur le même « créneau ».
Le 5 juin dernier, La Paix Maintenant a appelé à un rassemblement, appel soutenu par un certain nombre d’organisations (voir [->https://www.lapaixmaintenant.org/communique1619]).
L’UJFP (Union Juive Française pour la Paix) a publié, par l’intermédiaire de Michèle Sibony, sa vice-présidente, un certain nombre de remarques sur cet appel. Remarques relayées notamment par deux sites : Indymedia et Bellaciao. Pour voir le texte complet de la contribution de Michèle Sibony : [->http://bellaciao.org:80/fr/article.php3?id_article=49378]
Ces remarques appellent elles-mêmes un certain nombre de commentaires.
Nous ne nous étendrons pas sur la critique de nos mots d’ordre. Nous connaissons assez l’unique objet du ressentiment de l’UJFP. Ni même sur la critique du mot d’ordre « Deux Etats pour Deux Peuples ». Cela relève plutôt d’une guerre picrocholine entre initiés du conflit israélo-palestinien. En revanche, les remarques qui suivent ces critiques concernent, elles, la société française dans son ensemble.
C’est un fait : cet appel a effectivement été soutenu par un certain nombre d’associations du collectif Deux Peuples Deux Etats, dont les membres fondateurs sont : l’AJHL (Association pour un Judaisme Humaniste et Laique), La Paix Maintenant, Les Ateliers de Mai, les Cercles Bernard Lazare (Paris – Grenoble), le Conseil Français des Musulmans Laiques, Gauches.net, le Groupe de contact européen des accords de Genève, Hachomer Hatzair, le Mouvement des Maghrebins Laïques, le Mouvement de la Paix, Ni putes ni soumises, Pax Christi, SOS Racisme et l’Union des familles laiques (UFAL).
Or, Michèle Sibony s’offusque de la présence de « quelques groupes exogènes » qui ont soutenu l’appel de La Paix Maintenant.
Là, il nous faut citer intégralement cette partie de son article :
« On y trouve aussi quelques groupes exogènes : « le Manifeste des Libertés » (« hommes et femmes de culture musulmane contre la misogynie, l’homophobie, l’antisémitisme et l’islam politique ») ! l’UFAL, SOS Racisme et Ni Putes Ni Soumises : voilà qui devient intéressant, un véritable front se constitue et s’affiche de plus en plus clairement : Une partie de la gauche gagnée au communautarisme républicain, dans la communautarisation généralisée impulsée par l’idéologie néolibérale, se reconnaît plus facilement aujourd’hui dans la stigmatisation des classes populaires, surtout lorsqu’elles sont arabes, et se revendiquent musulmanes, assimilées facilement au terrorisme international lorsqu’elles se révoltent ou quand leurs filles se voilent, à l’antisémitisme lorsqu’elles tentent d’exprimer leur colère contre Israël. »
Voilà qui, en effet, devient intéressant.
Première question : « exogènes » à quoi? Les mots ont un sens. Aurait-elle préféré voir manifester des juifs entre eux? Premier jalon d’un communautarisme clairement exprimé. (Rappelons d’ailleurs à ce propos que La Paix Maintenant n’est pas une organisation juive et qu’elle compte dans ses rangs de nombreux non-juifs).
Outre le terme « exogène », remarquons également le point d’exclamation qui suit la dénomination officielle du Manifeste des Libertés. Pour une organisation issue de la culture musulmane, se proclamer « contre la misogynie, l’homophobie, l’antisémitisme et l’islam politique » a l’air de choquer Michèle Sibony. Nous non. Et il semble que pour Michèle Sibony, on soit déterminé par ses racines qui imposent, par exemple, de « manifester sa colère contre Israël ». Qui ici est « communautariste »?
Remarquons encore un magnifique oxymore : le « communautarisme républicain ». Ainsi, toute organisation qui, comme l’UFAL, SOS, Ni putes ni soumises ou le Manifeste des Libertés, luttent courageusement pour les valeurs républicaines, pour la laïcité, contre le communautarisme et contre TOUS les intégrismes, se voient qualifiée de « communautaristes ». Extraordinaire retournement de sens. Toutes proportions gardées, cela nous rappelle la logique du Front national, qui qualifie les anti-racistes de « racistes anti-français ». Qui ici est « communautariste »?
Nos ami(e)s de Ni putes ni soumises sont le seul groupe issu des cités à lutter pour le droit des femmes à ne pas se voiler si elles n’en ont pas envie, à ne pas être mariées de force, à être les égales de l’homme. Dans leur combat, elles ont notre soutien, comme tous ceux et celles qui luttent contre l’intolérance, d’où qu’elle vienne. Mais pour Michèle Sibony, cela s’appelle « stigmatiser des classes populaires ». Pas étonnant qu’après cela, ces militantes se fassent accueillir dans les quartiers par des insultes, voire pire. Pain bénit pour les intégristes.
Michèle Sibony voit se dessiner un « front » inspiré par l’ultralibéralisme. Nous la mettons au défi de trouver un seul texte, chez l’une ou l’autre de ces associations, qui défende cette idéologie. Mais elle sait déceler ce qui est tu, bien sûr.
Qui parle de « front » parle de guerre. Alors, oui, si « fronts » il y a, nous défendrons celui des valeurs républicaines contre TOUS les communautarismes et TOUS les intégrismes quels qu’ils soient.
Contre les communautaristes. Les vrais!
Et, pour faire bonne mesure, nous vous invitons à venir manifester le 23 juin à 18h avec Ni putes ni soumises, à Paris, parvis des Droits de l’Homme, place du Trocadéro :
SOUTENONS NAWAL AL SAADAWI !
DEFENDONS LA LIBERTE D’EXPRESSION!
Nawal Al Saadawi, écrivaine, grande figure de la lutte féministe et
démocratique en Égypte et dans le monde arabe a du fuir son pays depuis le
mois de mars 2007, victime de l’intégrisme.
A cause d’une pièce de théâtre qu’elle a écrite plusieurs années auparavant
et que son éditeur a republiée en janvier dernier, Nawal est accusée de
non respect des principes de l’Islam et d’apostasie. Dans cette pièce
Intitulée « Dieu démissionne au sommet », elle écrit que Dieu est un
esprit, et non une femme ou un homme.
Pour cela l’université islamique du Caire, Al Azhar ainsi que les tribunaux
égyptiens l’ont accusée d’apostasie, d’injure à l’islam et lui intentent un
procès. Nombre de ses livres ont été détruits. Nawal a du se réfugier à
l’étranger.
Plusieurs fois emprisonnée Nawal, notre soeur de combat, a participé aux
universités de Ni putes ni soumises. Elle est un grand médecin, une
écrivaine engagée qui a offert aux lettres arabes, quarante cinq ouvrages:
romans, pièces de théâtre, nouvelles, autobiographies et oeuvres
scientifiques et intellectuelles traduits en plus de trente langues dans le
monde.
Son combat pour l’émancipation illustre ainsi la condition des femmes en
Egypte et dans de nombreux pays : humiliées, rabaissées, ignorées !
A travers Nawal ce sont tous les combattants de l’égalité et plus largement
de tous les droits humains qui sont ainsi visés et pourchassés, muselés.
Défendre Nawal, c’est aussi défendre toutes les associations de femmes et de
démocrates qui se battent en Egypte pour Nawal Al Saadawi.
Défendre Nawal, c’est défendre la liberté d’expression dans le monde !
SOUTENONS NAWAL AL SAADAWI
Rassemblons-nous le Samedi 23 Juin à 18h00
Parvis des droits de l’homme. Place du Trocadéro à Paris
« Ne rien espérer, ne rien désirer, et surtout, surtout, n’avoir peur de
rien ! C’est ainsi, que je vis ma liberté ! » (Nawal Al Saadawi)