Ha’aretz, 1er juin 2007
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Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Deux tribunes par le professeur Shlomo Aviner,i parues dans Ha’aretz les 10 et 24 mai derniers (« Jusqu’à ce qu’ils assument leurs responsabilités » et « Ce n’est pas la bonne initiative ») sont remplies d’erreurs factuelles.
Dans le premier article, qui traite de l’attitude des Arabes en général et des Palestiniens en particulier à l’égard de la résolution de l’ONU du 29 novembre 1947 concernant le partage entre Israël et la Palestine, Avineri reprend le refrain : « Il n’y pas un iota d’introspection, d’autocritique et d’étude de la contribution des Palestiniens à leur propre catastrophe. » Et comme si cela ne suffisait pas, Avineri continue : « A ce jour, aucun ouvrage [arabe ou palestinien] n’a posé la question de savoir si, peut-être, les Arabes ne s’étaient pas trompés en repoussant le compromis, aussi douloureux qu’il ait pu être, que représentait le partage. Le diagnostic d’Avineri : les Palestiniens ne veulent en aucune manière « reconnaître qu’en 1948, eux et leurs leaders ont commis une terrible erreur historique. »
Suivent trois exemples importants de cette prise de conscience, dont aucun ne peut être écarté en étant traité de marginal.
1.Les mémoires d’Abou Iyad (Salah Halaf), publiés en 1978, et en hébreu en 1979 sous le titre « Lelo moledet » (« Sans Patrie », Mifras Books). Abou Iyad raconte que lors d’une conversation avec Mohammed Amin al-Husseini, en 1974, il avait posé la question à l’ancien grand mufti de Jérusalem : « Le plan de partage de l’ONU était bien sûr inacceptable sur le principe, mais pourquoi les leaders palestiniens n’ont-ils pas accepté, comme l’ont fait les leaders sionistes, une solution provisoire qui leur aurait permis de créer un Etat dans la portion du territoire national qui leur avait été accordée par l’ONU? » Abou Iyad note que les prétextes et auto-justifications fournis par le mufti ne l’ont pas convaincu.
Il ne faut surtout pas mésestimer l’importance d’Abou Iyad dans l’histoire du Fatah et de l’OLP. Ce qu’il disait a eu pour effet de commencer à préparer le terrain pour l’adoption par l’OLP d’une stratégie diplomatique sans attendre qu’Israël y soit prêt, ni la communauté internationale emmenée par les Etats-Unis. En janvier 1991 Abou Iyad a payé de sa vie ce choix de la voie diplomatique : assassiné à Tunis par un agent de l’organisation d’Abou Nidal.
2. La « Déclaration d’Indépendance » de l’OLP en novembre 1988. Par ce document, l’OLP se déclare prêt à adopter le principe du partage dans le cadre de deux Etats pour deux peuples. Cette position a été complétée un mois plus tard, quand l’OLP a accepté la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies, qu’elle avait refusé d’accepter lors de son adoption, en novembre 1967.
La Déclaration d’Indépendance est un document fondateur dans l’histoire de l’OLP. Elle est contradiction absolue avec le langage et la logique générale de la charte nationale palestinienne. Et c’est bien ce qu’ont compris les opposants, à la fois à l’intérieur de l’OLP et à l’extérieur (comme le Hamas). Tout le raisonnement de la Déclaration d’Indépendance se fonde sur l’acceptation du principe du partage, alors que la logique de la charte nationale (section 19) s’appuie sur le refus de ce principe et sur la préservation à tout prix du territoire de toute la Palestine. Cette Déclaration souligne que, malgré l’oppression inhérente à la résolution sur le partage, du fait que le droit à l’auto-détermination de la majorité arabe en Palestine a été bafoué, « c’est cette résolution qui continue à fournir les conditions de légitimité internationale qui garantissent le droit des Arabes palestiniens à la souveraineté. »
Lors des décisions diplomatiques qui ont accompagné la publication de cette déclaration, il a été précisé que le principe du partage devait s’appliquer selon les lignes du 4 juin 1967. Ce n’est donc pas sans raisons que cela a été attaqué par certaines organisations de résistance, dont le Hamas.
3. Les manuels scolaires palestiniens qui datent de la période d’Oslo fournissent un autre exemple du fait que le plan de partage a été « repensé » : dans une série de manuels scolaires publiés en 2000, la Déclaration d’Indépendance de 1988 a été promue au rang de seul document « canonique » que les élèves étaient requis d’apprendre par coeur et de réciter dans les cours d’éducation civique. Cela, et non la charte nationale palestinienne, son contraire en termes d’acceptation du principe du partage.
Ce ne sont que trois exemples parmi beaucoup d’autres.
Les faits tels qu’ils sont présentés par le professeur Avineri dans son second article consacré à « l’initiative saoudienne » ne sont pas exacts non plus. La proposition saoudienne ne contient nulle part une condition préalable que les Arabes exigeraient d’accepter. Le mot « ayda » (le « si » conditionnel en arabe) est totalement absent du document. En revanche, on trouve le mot « indaïd », qui signifie « simultanément ». Cela signifie qu’en même temps que les principes « territoriaux » arabes seront acceptés, les exigences d’Israël concernant la « paix », la « normalisation » et « la fin du conflit » seront acceptés.
Dès son introduction, l’initiative saoudienne souligne qu’il s’agit d’un processus « parallèle ». De plus, le document parle d’une « solution au problème des réfugiés palestiniens qui devra être mutuellement acceptée ». « Mutuellement » signifie par les deux parties, Israël et les Palestiniens. Comment parvenir à se mettre d’accord sur quelque chose sans mener des négociations? Et s’il y a bien une condition qui est stipulée, c’est celle qui dit qu’en réalité, la solution aux problèmes des réfugiés palestiniens devra être « mutuellement acceptée », ce qui élimine de fait toute possibilité que cette solution comprenne le « droit au retour » dans le territoire israélien.
La mention de la nécessité d’une « solution mutuellement acceptée » crée une nouveauté dans l’interprétation arabe de la résolution 194. Le choix offert entre l’indemnisation et le retour, choix mentionné dans cette résolution, a été retiré aux individus et subordonné aux accords diplomatiques avec Israël. Ainsi est-il mis un terme à la possibilité de retour en territoire israélien.
C’est exactement dans ces termes que cette innovation a été expliquée par l’Egypte, la Jordanie et le président Mahmoud Abbas. Et c’est exactement comme cela que l’a comprise que la Hamas, qui l’a fortement combattue, allant jusqu’à la qualifier de « trahison ».
De plus, contrairement à ce qu’écrit Avineri, l’absence de l’exigence traditionnelle d’évacuation de toutes les colonies juives des territoires (exigence toujours réitérée jusque là dans tous les plans arabes précédents, tel le « Plan en 8 points » du roi saoudien Fahd en 1981) crée une marge de manoeuvre diplomatique qui pourrait déboucher sur des échanges de territoires et des ajustements mineurs de frontières.
Je ne dis pas qu’Israël doit adopter « l’initiative arabe » comme les Tables de la Loi, mais nous devons la considérer telle qu’elle est. Et, telle qu’elle est, elle incarne un changement important dans la posiition collective arabe. On ne peut pas à la fois blâmer les Arabes d’avoir refusé le plan de partage et chercher à le nier quand on constate qu’ils sont prêts à l’adopter.