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Ha’aretz, 4 décembre 2006
Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
En d’autres temps, le maire légendaire de Jérusalem, Teddy Kolleck, vous aurait accueillie à l’entrée de la ville avec du pain et du sel, signe traditionnel de l’hospitalité. En tant qu’ancien conseiller de Teddy Kolleck, je vous adresse par la présente ces gages de bienvenue par la voie virtuelle, vous qui connaissez bien Internet, comme votre belle campagne pour la candidature du Parti socialiste l’a montré.
L’auteur de ces lignes se situe à gauche de l’échiquier politique israélien, francophone fier et enthousiaste, mais francophile par intermittences. J’ai suivi votre campagne avec intérêt et attention, et j’en retiens en particulier l’un de vos slogans qui trottent dans la tête : « la politique doit changer ». Tout à fait exact. La 5ème République doit être secouée, et votre élection pourrait bien donner un coup de fouet.
Mais la politique de la France au Moyen-Orient doit elle aussi changer, en particulier à l’égard d’Israël. Une attitude juste et équilibrée face aux problèmes complexes de notre région pourrait rendre à la France l’influence historique considérable qu’elle a eue, et qu’elle ne doit pas perdre. La paix et la coexistence seraient les grands bénéficiaires d’un rôle original que jouerait la France dans la région. A ces fins, la France doit se fixer des objectifs précis et plus généreux à l’égard de la paix au Moyen-Orient. Le sort de toute politique qui mettrait sur le même plan les dictatures et les régimes démocratiques du Moyen-Orient pourrait ressembler à celui de la fameuse « politique arabe » de la France, qui s’est trop souvent réduite à une position hostile à Israël et à rien de plus. Il en saurait y avoir de tolérance à l’égard des appels explicites à la destruction d’Israël par les dirigeants du Hamas, du Hezbollah ou de l’Iran.
La route qui mène à la paix est pleine de nids-de-poule, avait coutume de dire Pierre Mendès France, mais pour beaucoup d’Israéliens, chère madame Royale, la paix demeure la seule solution possible. La récente guerre du Liban nous a une fois de plus rappelé la leçon apprise et enseignée très souvent par de grands militaires : il y a des limites à l’usage de la force militaire. Toutefois, plus de 15 mois après le retrait unilatéral de la bande de Gaza effectué par Israël, on aurait pu s’attendre à davantage d’activité palestinienne destinée à remettre en route le développement économique de leur pays. Mais, comme l’a dit récemment le colonel Jibril Rajoub dans une interview à la télévision palestinienne : « Nous espérions que Gaza deviendrait Singapour, mais, à notre grand regret, ce n’est que la Somalie. » Seule une volonté sincère et mutuelle de négocier nous rapprochera du temps de la paix dont parle l’Ecclesiaste.
Un autre souhait, dont je parle depuis 20 ans : le moment n’est-il pas venu pour la France d’encourager avec force l’entrée d’Israël au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) qui, en 2006, est la seule instance internationale sérieuse qui boycotte encore Israël? Vous savez probablement que l’une des règles en vigueur au sein de l’OIF est que toutes ses résolutions soient votées à l’unanimité, ce qui est incompréhensible et anachronique. Le fait d’accorder à un seul pays, le Liban le droit de veto qui empêche Israël – pays qui compte environ un million de francophones – d’adhérer à l’OIF est une décision décevante et à courte vue. Il est dommage que cet état de choses ne perturbe pas ne serait-ce qu’un Etat membre.
L’actuel président de la France a trop de fois soutenu un seul côté du conflit plutôt que de comprendre, comme toute personne de gauche, que la vraie distinction à faire n’est pas entre pro-israéliens et pro-palestiniens, mais entre partisans et ennemis de la paix. Je préfère quant à moi les mots de Flaubert : « Il y a une division du travail entre Dieu et l’homme. Dieu est responsable du début et de la fin. Nous sommes responsables de ce qui se passe entre les deux. »