Ha’aretz, 30 octobre 2006
Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Ce week-end, un effort de dernière minute a empêché les heurts entre les forces fidèles à Mahmoud Abbas et celles du Hamas. Heurts auxquels les médias palestiniens avaient préparé l’opinion en Cisjordanie et à Gaza en parlant de « samedi sanglant ». Les dirigeants du Fatah et du Hamas ont compris l’étendue de la catastrophe que représentait la guerre civile pour leur peuple, et ont fait machine arrière. Mahmoud Abbas, qui avait prévu de prononcer la dissolution du gouvernement Hamas et de déployer ses forces de sécurité à Gaza pour contrer la « force opérationnelle » du Hamas, a remis ces ordres à plus tard.
En ce moment, la politique palestinienne déborde de propositions de compromis et de médiation. La proposition dont tout le monde parle aujourd’hui comprend les éléments suivants : le leader du Hamas [en exil à Damas] Khaled Mesh’al se rendra au Caire porteur d’un accord de principe pour libérer le soldat israélien Gilad Shalit en échange de la libération d’environ 1.000 prisonnier palestiniens. La libération de Shalit constitue l’un des points essentiels d’un accord avec Abbas sur la formation d’un nouveau gouvernement palestinien. Des représentants syriens (dont on dit qu’ils auraient préféré que l’accord soit signé à Damas) doivent arriver au Caire, ainsi que des médiateurs du Qatar, qui ont préparé un projet de programme politique pour le nouveau gouvernement palestinien. Des observateurs européens seront également présents.
Ce nouveau programme gouvernemental se fonde sur le « document des prisonniers ». Il ne contient pas de reconnaissance d’Israël (qui n’est jamais mentionnée). Mais il contient une acceptation des accords passés qui « favorisent les intérêts palestiniens ».
Le nouveau gouvernement palestinien devrait être composé de technocrates qui représenteraient les diverses factions palestiniennes. Le favori pour le poste de Premier ministre est Mounir al-Masri, homme d’affaires philanthrope considéré comme le « Rothschild palestinien ». La création de ce gouvernement permettrait de lever le boycott diplomatique imposé à l’Autorité palestinienne et la reprise des transferts de fonds. Le mandat du gouvernement serait limité à un an. A l’issue de cette période, des élections générales palestiniennes seraient organisées pour les deux instances pour le moment en conflit : la présidence (tenue par Abbas et le Fatah) et le Parlement (contrôlé par le Hamas).
Il est peu probable que cet accord de compromis passe, et même s’il passe, il est difficile d’imaginer comment il va être appliqué. La lutte de pouvoir entre le Fatah et le Hamas ne peut être résolue par tel ou tel accord que s’il s’accompagne d’un changement radical de la situation économique et sociale à Gaza, où Israël a un rôle clé à jouer.
Avant tout, le gouvernement israélien doit rendre l’argent qu’il doit à l’Autorité palestinienne, qui se monte à présent à environ un milliard et demi de shekels [environ 270 millions d’euros]. Cet argent appartient à l’Autorité palestinienne, et l’argument selon lequel il financerait le terrorisme est ridicule. S’il y a un secteur à Gaza qui ne souffre pas de problèmes budgétaires, c’est bien le terrorisme. L’argent et l’aide au terrorisme palestinien viennent de l’Iran, du Hezbollah, de Syrie de groupes musulmans extrémistes de pays arabes et d’ailleurs. Et, de manière générale, le problème du terrorisme n’est pas le manque d’argent mais de motivation. La véritable infrastructure du terrorisme, ce ne sont pas les cellules terroristes, ni les armes, ni même les incitations à la haine. Ce sont plutôt l’oisiveté et la frustration, un chômage à 70%, le manque d’espoir et l’amertume.
Le gouvernement israélien peut et doit aider l’économie palestinienne en reprenant les contrats de sous-traitance des usines israéliennes avec Gaza, où la main d’œuvre est bon marché, dans des secteurs comme le textile, la chaussure et autres manufactures. Cela doit s’ajouter à l’exportation des produits agricoles depuis Gaza, qui offrait des centaines de milliers d’emplois. Aujourd’hui, tout est paralysé par le blocage des passages frontaliers, problème auquel une solution peut aussi être trouvée : par exemple, un lien vers l’Egypte par le terminal de Nitzana. Après tout, là-bas, il n’y a pas de tunnels qui servent à faire passer des armes.
De plus, il faut faire repartir des projets d’infrastructure à Gaza concernant le port et l’utilisation du gaz naturel sur la côte. Davantage de travailleurs palestiniens doivent être autorisés à entrer en Israël, et il faut créer des zones industrielles. Tout cela ne sera pas seulement bon pour Gaza, mais aussi pour Israël, car c’est le seul moyen de détruire l’infrastructure terroriste.