Ces dernières années, on a de plus en plus tendance à parler de la « fin de la solution à deux États » et à la remplacer par un État de la mer Méditerranée au Jourdain comme solution au conflit israélo-palestinien. Les partisans du modèle à un État affirment que la solution à deux États n’est plus réalisable.
Traduction : Bernard Bohbot pour LPM
Auteur : Pnina Sharvit Baruch, INSS – Memorandum 217 : note de synthèse, décembre 2021
https://www.inss.org.il/wp-content/uploads/2021/11/Memo217_7-9-12.pdf
Mis en ligne le 26 janvier 2022
Depuis ces dernières années, on parle de plus en plus de la « disparition de la solution à deux États » et de son remplacement par une réalité à un seul État. Cet État unique, qui s’étendrait de la mer Méditerranée au Jourdain, est présenté comme une solution au conflit israélo-palestinien. Les partisans de cette idée affirment que la solution à deux États n’est plus réalisable, étant donné que la ligne verte a été brouillée et que la Judée et la Samarie (la Cisjordanie) sont inextricablement liées à l’État d’Israël par une importante activité militaire et civile israélienne. D’un point de vue démographique, l’ajout des Palestiniens vivant en Judée et Samarie à la population d’Israël signifierait que près de 40 % des résidents d’Israël seraient palestiniens, doublant ainsi le nombre actuel de Palestiniens d’Israël (y compris Jérusalem-Est). Si la bande de Gaza est également incluse, près de la moitié de la population de l’État serait alors palestinienne.
Autrefois, la plupart des partisans de l’idée d’un seul État étaient issus de la gauche radicale israélienne ou de la communauté arabe d’Israël et proposaient un État binational ou un État non-national. Aujourd’hui, l’idée d’avoir un seul État comme solution préférée au conflit est devenue de plus en plus répandue dans une partie considérable de la droite israélienne, de même qu’auprès de certains centristes. Toutefois, ils font référence à un État qui préserverait son caractère juif. Du même souffle, ils réaffirment leur refus de violer le caractère démocratique de l’État. En conséquence, divers modèles cherchent à fournir aux Palestiniens un certain niveau d’autonomie dans le cadre d’un État unique.
Les développements en cours qui rendent l’idée d’un Etat unique plus importante, effaçant potentiellement le paradigme des deux Etats comme solution au conflit, exigent une analyse approfondie de cette idée. Il est particulièrement important d’identifier, dès que possible, si un cadre à un seul État est effectivement une solution viable au conflit. Tel est l’objectif de cette étude.
Les différents modèles de solution à un seul État entre la mer Méditerranée et le fleuve Jourdain comprennent :
1. un État unitaire : un seul État sur l’ensemble du territoire, sans frontières intérieures.
2. Un État avec une autonomie palestinienne : un État dans lequel les Palestiniens s’auto-administrent à l’intérieur d’une zone autonome palestinienne.
3. Un État fédéral : un État divisé en districts juifs et palestiniens, dans lequel les districts ont de larges pouvoirs au niveau du district, mais le gouvernement central a l’autorité au niveau national.
4. Une confédération : un modèle comprenant deux États – un palestinien et un juif (Israël) – avec une frontière définie entre eux qui resterait toutefois ouverte. Un gouvernement conjoint israélien et palestinien fonctionnerait au niveau de la confédération dans des domaines d’autorité spécifiques, tels que la sécurité extérieure et le commerce extérieur. Ce mémorandum tente d’aller au-delà de la question fondamentale de savoir s’il est possible d’avoir un seul État qui soit à la fois juif et démocratique, une question qui a déjà été au centre du débat public.
L’objectif est plutôt d’examiner la faisabilité des modèles d’État unique d’un point de vue pratique. L’analyse est menée d’un point de vue israélien, en se concentrant sur les intérêts d’Israël et les préoccupations de la majorité du public israélien.
Chaque modèle est examiné en fonction d’un ensemble de paramètres : la division territoriale ; le statut des colonies ; le statut de Jérusalem ; les aspects liés à la citoyenneté et à la résidence ; l’autorité gouvernementale ; la participation des Palestiniens au gouvernement ; la liberté de mouvement à l’intérieur de l’État ; la question des réfugiés ; les aspects sécuritaires ; les aspects sociaux ; les aspects économiques et civils ; la préservation du caractère juif de l’État ; la préservation du caractère démocratique et libéral de l’État ; les implications pour les citoyens arabes d’Israël ; les implications pour l’Autorité palestinienne ; le statut de la bande de Gaza; et l’exécution du modèle et sa faisabilité. Après avoir analysé ces facteurs, la probabilité de succès du modèle en tant que solution permanente au conflit israélo-palestinien est évaluée.
Sur la base des conclusions de ce mémorandum, il apparaît qu’aucun des modèles n’a de réelle chance de constituer une solution permanente, stable et efficace au conflit israélo-palestinien. L’une des principales raisons de cet échec annoncé est le potentiel élevé de friction dû à la libre circulation autorisée par tous les modèles cités. Compte tenu de l’hostilité profondément ancrée entre les deux populations au cours des dernières décennies et de leurs différences religieuses, culturelles, sociales et économiques, ces modèles font craindre que les tensions entre les populations ne conduisent à de violentes confrontations internes et, en fin de compte, à l’instabilité de l’État.
Refuser aux Palestiniens la pleine égalité des droits au sein de l’État, en plus de porter un coup fatal à la nature démocratique d’Israël, aggravera les sentiments d’animosité, conduisant à une violence inévitable qui pourrait dégénérer en une véritable guerre civile. Accorder aux Palestiniens l’égalité des droits pourrait les mener à altérer l’identité juive de l’État. De plus, les tensions nationales continueront d’exister et pourraient déstabiliser l’État. La confédération est le seul modèle qui offre une solution à ces préoccupations puisque chaque nation resterait en contrôle son propre État.
Tous les modèles imposent également une lourde charge économique à Israël, en raison de l’impératif de répondre aux besoins de tous les nouveaux résidents palestiniens dans l’État. Bien que dans la confédération, les résidents de l’État palestinien ne soient pas sous la responsabilité directe d’Israël, leur situation économique est d’une importance capitale. En effet, combler les écarts économiques au sein de la confédération est crucial pour sa stabilité. En outre, la division de l’État en districts et en régions, comme le suggèrent les modèles de fédération et d’autonomie, crée des doublons, de la complexité et des excès, surtout compte tenu de la petite superficie du pays. En outre, pour mettre en œuvre ces modèles, le consentement des Palestiniens est nécessaire, et les deux parties doivent parvenir à régler de nombreuses questions controversées. Il est difficile de voir comment cela peut être réalisé. En outre, tous les modèles (à l’exception peut-être du modèle unitaire) exigent de parvenir à un accord avec les représentants des Palestiniens de manière continue dans le cadre de la mise en œuvre du modèle. Cela entraînerait des conflits.
Contrairement aux modèles analysés dans cette étude, qui sont fondés sur l’idée d’un lien continu entre les peuples juif et palestinien dans la zone située entre la mer Méditerranée et le Jourdain, la solution à deux Etats est fondée sur l’idée de séparation. Ce modèle n’est pas exploré dans ce document mais a été largement analysé au fil des ans, notamment par l’Institut d’études de sécurité nationale (INSS). Cette solution présente des lacunes importantes, car elle nécessite la division des terres et l’évacuation des colonies, en plus de créer certains risques pour la sécurité. Néanmoins, l’impossibilité d’un modèle basé sur l’union des deux peuples comme solution stable au conflit – comme l’analyse de ce document le démontre clairement – conduit inévitablement à la conclusion qu’une solution basée sur la séparation, malgré ses défauts, est effectivement la solution préférable pour ce qui concerne le conflit israélo-palestinien.