IPCRI, 23 juillet 2006
Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Le secrétaire de la Ligue arabe a déclaré la semaine dernière que le processus de paix était mort. M. Moussa a tort. Le processus de paix est mort depuis longtemps. La récente escalade dans la région n’est qu’un signe de plus de la mort du processus de paix. Cette escalade est le fruit de stratégies erronées de la part de tous les pays impliqués dans la région, et pour y mettre fin, il faudra adopter de nouvelles politiques qui modifieront l’équilibre stratégique dans la région. Ces politiques devront se fonder sur le respect mutuel de frontières souveraines, l’application pleine et entière des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, et des négociations pour parvenir à la paix entre toutes les parties.
La situation qui a prévalu au sud Liban après le retrait unilatéral d’Israël a renforcé le Hezbollah et limité la capacité du gouvernement libanais à appliquer entièrement la résolution 1559 des Nations unies, qui aurait dû impliquer le désarmement du Hezbollah et son intégration dans l’armée libanaise, qui se serait alors déployée sur la frontière avec Israël. Alors que les autres milices libanaises ont été dissoutes et intégrées à l’armée libanaise, le Hezbollah s’est renforcé de sa réussite à provoquer le départ des Israéliens, il s’est renforcé militairement et a passé les six dernières années à s’armer de missiles fournis par l’Iran partout dans le sud Liban. Bien que la majorité des Libanais ait réussi à forcer la Syrie à quitter le Liban, la même majorité n’a pas été capable d’éloigner du sus Liban le Hezbollah soutenu par l’Iran et la Syrie. Et lorsque les éléments étrangers (Iran et Syrie) ont décidé que le moment était le bon, le Hezbollah a lancé ses attaques contre Israël. Israël est tombé dans le piège tendu par Nasrallah et Ahmadinejad et s’est lancé dans une confrontation sanglante qui, quel que soit son impact militaire, offrira au Hezbollah une victoire politique aux yeux du Liban et de tout le monde musulman.
Il est certain que l’unilatéralisme israélien est l’une des causes des problèmes auxquels la région fait face. Israël doit abandonner l’idée qu’il peut résoudre ses problèmes en décidant tout seul de se retirer de territoires occupés sans négocier et sans se coordonner avec les gouvernements légitimes concernés de l’autre côté. Par son unilatéralisme, Israël a permis aux mouvements radicaux islamiques de résistance de tirer profit de la situation. L’escalade et l’engagement à continuer les combats sans savoir quand ils vont s’arrêter vont renforcer encore davantage le radicalisme et montrer que la force est le bon moyen de traiter les conflits.
Le processus politique est gelé, et ce fait est en lui-même une partie de la cause de la récente escalade. L’absence de processus politique a permis l’usage de la violence et de l’escalade. Elle a aussi servi la stratégie des radicaux qui ont pu bâtir leurs capacités militaires et se préparer à la fois à frapper Israël et à agiter leurs fronts intérieurs.
Par son unilatéralisme, Israël a perdu la plus grande partie de son pouvoir de dissuasion qui, par le passé, a évité certains conflits. Les règles du jeu ont changé, ce qui signifie la perte par Israël de sa sécurité sur le front intérieur et le bouleversement des conditions de vie normales de ses habitants. Israël pourrait être considéré comme une super-puissance régionale et sa supériorité militaire pourrait se montrer efficace dans le cadre d’une guerre conventionnelle, mais ce n’est pas le cas contre des forces non-conventionnelles qui appliques les techniques de la guérilla.
Israël croit peut-être qu’il est la seule super-puissance de la région et qu’il peut toujours compter sur sa capacité militaire, mais les derniers événements marquent une réalité nouvelle : les mouvements radicaux de résistance, le Hamas et le Hezbollah, se renforcent eux aussi. « Ils ont eux aussi tiré les leçons », et croient davantage qu’avant qu’ils peuvent défaire Israël, ou au moins endommager son image et son ego.
L’un des éléments de l’actuelle stratégie israélienne consiste à convaincre les populations civiles à Gaza et au Liban que le prix qu’elles payent en permettant à des éléments radicaux de les contrôler est trop élevé. Mais jusqu’à présent, l’usage massif de la force contre les populations civiles ne fait que renforcer le soutien populaire à ces mouvements et fait monter l’antagonisme contre Israël.
En ne ciblant que le Hezbollah et le Hamas, Israël oublie les problèmes régionaux plus larges et plus centraux, qui sont interconnectés et qui ne peuvent être séparés les uns des autres. D’abord, la question palestinienne demeure au cœur de la stabilité régionale. Israël doit comprendre qu’il doit travailler avec les modérés de la région pour mettre fin à ce conflit. Israël doit aussi chercher à redonner vie à la piste israélo-syrienne, car il est essentiel d’éloigner la Syrie de la zone d’influence iranienne.
Israël doit comprendre que la seule manière de sortir de ce conflit passe par la négociation et par les notions de pourparlers et de dialogue en vue d’une paix véritable, tangible et durable.
Israël doit arrêter de croire qu’il a le contrôle et qu’il n’y a pas de partenaire. Il doit arrêter sa politique destructrice d’unilatéralisme et entamer immédiatement des négociations bilatérales avec les Palestiniens, les Syriens et les Libanais.
La communauté internationale, emmenée par les Etats-Unis, doit retrouver ses esprits et prendre une initiative pour amener, et même forcer, les parties à s’asseoir ensemble pour parvenir à un accord. L’administration américaine doit adopter une conduite logique et comprendre que le soutien d’un seul côté ne provoquera que des confrontations destructrices et sanglantes.
Les risques de confrontation élargie et d’escalade sont grands, et toute mesure inconsidérée de la part de l’un ou de l’autre des acteurs pourrait conduire à une confrontation armée de dimension régionale, dont l’issue défierait alors toute prédiction.
L’appel à une conférence internationale sous les auspices de la communauté internationale pourrait constituer la seule logique et la seule manière de mettre fin à ce conflit. Le plan de la Ligue arabe et les paramètres de Clinton sont de bons outils pour lancer une initiative. Mais pour cela, il faut des intentions sérieuses et un engagement sérieux de la part de la communauté internationale.
Cela peut paraître naïf à quelques-uns, mais n’est-il pas préférable de choisir la naïveté de la paix plutôt que la folie de la haine ?