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Article paru sur le site d’Al-Jazira le 16 mai 2006 et diffusé par Common Grounds
Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Des artistes israéliens et palestiniens ont mis leurs efforts en commun pour envoyer un message de réconciliation. Leur exposition, qui s’est ouverte samedi dernier, a attiré plus de 2.500 personnes au Musée de l’Art Israélien, à Ramat-Gan (proche de Tel-Aviv).
« Offrir une réconciliation » (c’est le nom de l’exposition) présente le travail de 130 artistes israéliens et palestiniens qui ont pris part à ce projet, dont l’initiative revient au Forum des familles endeuillées pour la paix, la réconciliation et la tolérance [(2) association fondée par Itzhak Frankenthal, dont nous avions publié, entre autres, l’article « Le Hamas a tué son fils, il œuvre pour la paix » : [
et « La mort rôde à notre porte » : ->https://www.lapaixmaintenant.org/article752]
Le site internet de l’association est : [ ]]
. Ce groupe espère diffuser son message à une audience plus large par l’intermédiaire de l’art.
« Pour toucher des gens différents, il faut des supports différents », dit Aziz Abou Sarah, l’un des dirigeants du Forum. « Même les gens qui sont en désaccord avec notre message ont pu venir à notre exposition et voir ce que nous faisons. »
L’exposition présente des artistes confirmés, comme Menashe Kadishman, Dani Karavan et Mohammad Saïd Kalash, ainsi que des jeunes talents.
On a attribué à chaque artiste un bol de céramique identique à partir duquel il était censé créer son œuvre.« Le bol est lié à un acte fondamental, celui de nourrir ou de donner », dit Dafna Zmora, l’une des organisatrices de l’exposition. « C’est quelque chose qui contient un message, ou une idée ». Certains artistes ont brisé leur bol et ont fabriqué une œuvre à partir des débris. D’autres ont conçu des sculptures avec le bol pour base, ou utilisé le bol en tant que support de peinture.
« Chacun a appliqué la consigne dans un sens qui lui est propre, avec sa propre interprétation de la réconciliation et des éléments qui en découlent : coexistence, douleur, sentiment de perte, fracture ou unité », dit Orna Tamir Shastovitz, directrice du projet. « Chaque artiste présente un bol particulier de réconciliation, un bol de paix et d’espoir, et non d’animosité ».
Aliza Olmert, épouse du premier ministre israélien, a apporté sa contribution. Son bol est peint en noir, avec les mots en hébreu : « les Juifs ne chassent pas les Arabes qui ne chassent pas les Juifs qui ne chassent pas les Arabes », etc., écrits en boucle et qui couvrent entièrement le bol.
Dalia Reisel, artiste israélienne, a sculpté une paire de mains émergeant d’une corde enroulée vers un bol rouge sang. Les mains tentent de saisir des feuilles d’olivier, symboles de paix, disséminés sur l’assiette. « Cette sculpture, c’est un utérus, couvert de cordes, avec des mains qui en sortent et qui tentent d’attraper les feuilles d’olivier. Les feuilles sont à peine hors de portée, mais on peut espérer que les mains s’en saisiront un jour ».
Jamal Kamel a représenté un homme palestinien en train de ciseler le mot « paix » en trois langues sur une grosse pierre. La pierre est censée symboliser la Palestine, avec ses bâtiments et son exportation principale, dit Kamel : « le message est très clair. L’homme écrit la paix sur la pierre, quelque chose de solide que personne ne peut bouger, aucune force ni aucun Etat », dit l’artiste venu de Bethléem.
Kamel est l’un des nombreux artistes palestiniens qui n’ont pu être présents. Il n’a pas obtenu l’autorisation d’entrer en Israël. Selon Aziz Abou Sarah, seuls 20 artistes palestiniens ont pu assister à l’inauguration : « C’est le côté triste de cette histoire. Le gouvernement proclame qu’il souhaite une solution pacifique, et il combat les initiatives pacifiques de gens comme nous. »
Les organisateurs prévoient des tournées pour l’exposition, en Israël et en Palestine, puis à l’étranger. L’idée d’origine était de vendre les œuvres aux enchères. Les fonds récoltés auraient été destinés aux ateliers de réconciliation pour les écoles israéliennes et palestiniennes. Mais James Wolfensohn, qui a récemment démissionné de son poste d’émissaire particulier du Quartette au Moyen-Orient, a fait un gros don au Forum, ce qui a permis de conserver l’ensemble des œuvres.
Le Forum des familles endeuillées est né en 1994, et il est composé de centaines d’Israéliens et de Palestiniens qui ont perdu des êtres chers au cours du conflit. Il a organisé des séminaires pour adultes et des camps de vacances pour les enfants.
Au tout début de la deuxième Intifada, le groupe a apporté 1.200 faux cercueils couverts de drapeaux palestiniens et israéliens au siège des Nations Unies à New York. « Nous voulions montrer que des gens qui meurent ne sont pas seulement des chiffres », dit Aziz Abou Sarah.
A l’inauguration de cette exposition, qui d’après le musée a attiré un nombre record de visiteurs, les salles étaient bondées et s’attardaient souvent devant tel ou tel bol. « Quand j’ai appris qu’il y avait des gens prêts à s’asseoir, discuter et travailler ensemble, il a fallu que je vienne voir », dit Sarah Breitberg-Semel, conservatrice et conférencière à Tel-Aviv. « C’est tellement le contraire de ce qui se passe au niveau politique, je ne peux pas vous dire à quel point l’impact sur moi a été fort. »