On savait déjà que le mouvement BDS prônant un boycott aveugle d’Israël était tout à la fois injuste moralement, inefficace économiquement et politiquement contre-productif.
Boycottant tout ce qui vient d’Israël, c’est en fait Israël lui-même qu’il nie. Il ne le dit pas toujours mais l’exprime tout le temps. Quelle que soit son agitation, il ne parviendra jamais à ébranler les fondements économiques du pays. Certes tel un moustique qui pique, il énerve parfois, créant des situations désagréables mais qui ne vont jamais bien loin.
Plus grave sans doute, sa contre-productivité. De par sa négation même d’Israël, de son droit à l’existence qui demeure incontestable même en cas de remise en cause de sa politique, il contribue à justifier le discours de la droite radicale israélienne « le monde est contre nous ». Il incite ainsi le public israélien à faire cause commune et sans retenue avec son gouvernement au lieu de favoriser un découplage en démontrant l’existence d’une alternative.
Un pas supplémentaire a été franchi il y a peu aux USA lorsque le BDS a fait pression, avec succès cette fois, sur Alexandria Ocasio-Cortez, (AOC), récente élue démocrate de New York, qui fait figure de chef de file de l’aile progressiste du parti. Elle a annulé la semaine dernière sa participation à l’évènement virtuel qu’organise Americans for Peace Now pour le 25e anniversaire de l’assassinat d’Yitzhak Rabin. Cette commémoration, le 20 octobre prochain, sera animée par Mandy Patankin, star de la série « Homeland » et par ailleurs critique assumé de la politique du gouvernement israélien en Cisjordanie.
Revenons à Yitzhak Rabin… Il n’a jamais été un pacifiste au sens où on l’entend souvent ici. Ministre de la défense, il a durement réprimé la première intifada et ordonné de « casser les os » des manifestants palestiniens. Certes. Mais il a été aussi celui qui, des années plus tard a négocié avec Yasser Arafat, pourtant perçu comme un « quasi démon » par une large partie de l’opinion publique israélienne. Jean Daniel a rapporté ces propos de Rabin dans l’un de ses éditoriaux. »Je n’ai pas de leçons à recevoir de vous pour conduire la politique de mon pays dans un sens que je crois conforme aux intérêts de mon peuple et à l’idéal de ma nation. Je peux vous dire que nous n’avons pas fondé l’État d’Israël pour installer cet apartheid que vous avez si longtemps dénoncé en Afrique du Sud, et pour maintenir une situation où un peuple en dominerait un autre. »
C’est ce cheminement qui est source d’espoir et c’est cet espoir auquel le BDS entend s’opposer en voulant dicter ce dont il faut se souvenir et ce qu’il importe d’occulter. Il aura réussi à éroder la confiance des Juifs envers les démocrates. Et par ailleurs, si même Rabin, dont Arafat s’était dit peiné et choqué par son assassinat, n’est pas « cacher », alors quelle solution politique de compromis demeure envisageable?
Ainsi, si le BDS avait voulu détourner des Juifs de voter démocrate en décrédibilisant une de ses leaders, il ne s’y serait pas pris autrement. Il ébranle la confiance envers les démocrates au moment même où Netanyahu affiche son amour immodéré pour Trump – et réciproquement-, alors que David Friedman, ambassadeur américain en Israël, faisant fi de son devoir de réserve, déclare qu’une victoire de Joe Biden aux élections américaines le mois prochain verrait la politique américaine évoluer d’une manière qui serait préjudiciable à Israël. Un déplacement de votes, un abstentionnisme en hausse, même légers, pourraient faire la différence dans certains états, permettant aux républicains de remporter la totalité des sièges en jeu.
Décourager un camp de la paix déjà affaibli, renforcer Trump… quoi de pire ? Mais le pire n’est jamais certain: Keith Ellison, procureur général du Minnesota, premier musulman élu au Congrès et un des leaders des progressistes du Parti démocrate, interviendra le 20 octobre lors de la commémoration du 25e anniversaire de l’assassinat d’Yitzhak Rabin.
Mis en ligne le 7 octobre 2020