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Ha’aretz, 5 janvier 2006
Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
Yossi Verter
Désormais, plus rien n’est sûr. Tout ce qui paraissait vrai jusque hier est aujourd’hui largement remis en question. Si, avant mercredi dernier, Ariel Sharon et son parti Kadima étaient considérés comme les grands vainqueurs potentiels des élections, la journée de jeudi marque le retour de la compétition électorale.
Kadima demeurera probablement intact, et ses membres ne retourneront pas à leurs partis d’origine, mais le soutien populaire et la force dont il a bénéficié ont été gravement frappés. Quel est le degré de gravité ? Les sondages qui paraîtront jeudi soir et vendredi en fourniront un début d’indication, même si elle ne sera que partielle, car ces sondages auront été effectués alors que tout le monde est dans un état de choc et que l’émotion est intense.
Les trois forces politiques principales du pays sont confrontées chacune à un défi : Kadima devra prouver qu’il n’est pas le parti d’un seul homme ; Amir Peretz, le président du Parti travailliste, devra convaincre de nouveau que son parti compte dans le paysage politique, peut-être en accueillant quelques-unes de ses brebis égarées ; Benjamin Netanyahou, dirigeant du Likoud, devra faire de même. Dans tous les cas de figure, une période d’incertitude absolue, quasiment sans précédent en Israël, s’est ouverte ce jeudi.
Aluf Benn
Suite à la détérioration de l’état de santé de Sharon, les grands gagnants sur le plan politique sont les numéros 1 et 2 du Likoud, Benjamin Netanyahou et Silvan Shalom. Netanyahou revient sur la ligne de départ avec une bonne chance de redevenir Premier ministre, malgré le fait qu’il avait été relégué au rang de dirigeant d’un parti de droite marginalisé.
Shalom, qui est parvenu à convaincre les ministres du Likoud de ne pas quitter le gouvernement, restera ministre des Affaires étrangères et conservera un rôle déterminant au sein du Likoud.
Dans cette situation nouvelle, l’un des grands perdants sera le ministre de la Défense Shaul Mofaz, qui a quitté de Likoud à la dernière minute pour rejoindre Kadima. Il n’est pas certain qu’il se batte pour accéder à la direction de Kadima, ni quelles seraient ses chances s’il décidait de le faire.
Les autres nouveaux venus dans le jeu politique sont dans la même situation. Avi Dichter, l’ancien patron du Shin Bet, et le professeur Uriel Reichmann ont rejoint Kadima parrainés par Sharon. Ils se poseront probablement la question de savoir s’ils resteront à Kadima, au cas où ils auraient à se battre pour une place sur la liste du parti candidate à la Knesset.
Il est probable que Shimon Peres subira des pressions pour retourner au Parti travailliste, maintenant qu’il n’est plus lié par sa déclaration de soutien à Sharon en tant que candidat le plus approprié au poste de Premier ministre.
L’ancien Premier ministre travailliste Ehud Barak, pour sa part, sera tenté de faire son come-back politique et de postuler au poste de ministre de la Défense d’Amir Peretz, au cas où celui-ci accéderait au pouvoir.
Daniel Ben Simon
J’espère, et je crains en même temps, que si l’état du Premier ministre Ariel Sharon ne s’améliore pas dans les deux prochaines semaines, il sera oublié et que son parti tournera la page.
Kadima sera tellement occupé à se chercher un nouveau président qu’il en oubliera l’ancien. C’est la faiblesse de la politique intérieure israélienne, mais aussi sa force : elle est plus forte que n’importe lequel de ses leaders.
La situation actuelle place trois nouveaux acteurs au-devant de la scène politique. Avec le travailliste Amir Peretz et Benjamin Netanyahou du Likoud, le Premier ministre par intérim, Ehud Olmert, rejoint lui aussi le devant de la scène. Ses idées en matière d’économie et de société sont proches de celles de Netanyahou, mais ses positions en politique extérieure le rapprochent davantage de Peretz. [ sur l’évolution d’Ehud Olmert, qui exerce depuis la nuit dernière les fonctions de Premier ministre par intérim, voir par exemple notre article : [ ]] Il va s’agir d’une fascinante bataille à trois, où trois « jeunes » quinquagénaires israéliens, dont deux « princes » et un nouveau venu, vont s’affronter pour la direction du pays.
Akiva Eldar
Le parti Kadima va subir son grand test lors du choix du successeur de Sharon. S’il s’unit autour d’un seul dirigeant (probablement Olmert) et parvient à créer les mécanismes permettant de choisir ses candidats à la Knesset, ce que Sharon n’avait pas réussi à faire, il bénéficiera d’un large soutien dans l’opinion.
Cela sera le résultat d’une certaine loyauté à l’égard de la nouvelle voie choisie par Sharon, et cela même si le Premier ministre fait ses adieux à la scène politique, car il apparaît que le fait de mettre fin à l’occupation sans l’aide d’un partenaire palestinien séduit l’électorat israélien du centre, de la gauche et de la droite modérée.
Le défi auquel devra faire face Kadima sera de se trouver un leadership capable de « vendre » cela, et de convaincre l’opinion que Sharon n’est pas le seul capable de partager la terre sans diviser le peuple.
La disparition de Sharon donnerait à certaines personnalités anciennement travaillistes une chance de retourner à leur parti d’origine et de travailler solidairement avec Amir Peretz, afin de constituer une alternative crédible à Kadima et au Likoud.
Shimon Peres a dit en quittant le Parti travailliste que seul Sharon pouvait faire avancer le processus de paix. Il n’a pas parlé de Kadima, ni d’Ehud Olmert, ni même de la ministre de la Justice Tsipi Livni. La situation nouvelle fournirait également une excuse à Peretz pour offrir à Ehud Barak une position importante au sein de son futur gouvernement, éventualité qui semble aujourd’hui plus crédible qu’auparavant.
Quant au Likoud, je ne m’attends pas à voir un retour massif des électeurs traditionnels du Likoud aujourd’hui séduits par Kadima vers leur parti d’origine, car la plupart d’entre eux l’ont quitté à cause de Netanyahou et des « rebelles » (opposés au désengagement de Gaza, ndt). Ces électeurs ont cherché refuge dans un parti qui propose une approche plus pragmatique. Ainsi, Netanyahou doit trouver un moyen de choisir des personnalités politiques et des positions qui donneraient une nouvelle image du Likoud, où celui-ci pourrait offrir au pays une certaine stabilité, même avec lui à sa tête. (…)
Le Shinoui pourrait se révéler être l’un des grands gagnants de la nouvelle donne, au cas où un Kadima sans Sharon ne réussirait pas à se positionner en véritable parti centriste.
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