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Yediot Aharonot, 16 septembre 2005

Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant


Les officiers de Tsahal chargés du retrait de Gaza sont parfaitement conscients que leur savoir-faire n’est pas seul responsable du fait que le retrait se soit si bien passé. Une coordination efficace avec l’Autorité palestinienne, et le fait qu’aucun groupe armé palestinien n’est intervenu dans le retrait final des troupes israéliennes, ont grandement contribué à ce succès.

La dernière nuit de l’armée dans la bande de Gaza a marqué la conclusion de quatre mois de calme quasi ininterrompu, calme qui a caractérisé ce désengagement. Les soupirs de soulagement ont camouflé un phénomène auquel nous sommes aujourd’hui habitués : les sombres prédictions des services de renseignement israéliens se sont révélés erronés. Encore une fois, ceux qui ont la charge de notre sécurité ont crié au loup, mais il s’est avéré que ces cris d’alarme n’étaient rien d’autre que des conjectures de comptoir combinées à une tendance à exagérer les risques.

Pendant des mois, nous avons entendu des explications sur les batailles en cours dans la bande de Gaza entre les diverses factions palestiniennes, chacune cherchant à s’approprier le mérite du retrait israélien, batailles qui s’accompagneraient de tentatives de s’attaquer aux Israéliens, civils et militaires. Il y a à peine quinze jours, le chef de la branche Renseignement nous avertissait que les Palestiniens allaient attaquer le Goush Katif avant l’évacuation des colonies par Tsahal, et les soldats avant la fin du retrait. Youval Diskin, chef du Shin Bet, avait dit qu’une fois les civils évacués de Gaza, la retenue des Palestiniens allait forcément disparaître.

Ces déclarations s’ajoutaient à une longue série de prédictions pessimistes, qui laissaient penser que le retrait s’opérerait sous le feu. 15 jours à peine avant le retrait, le même Diskin, habituellement plus prudent que ses collègues, estimait que le désengagement avait « 50% de chances » de se passer dans le calme. Tout cela a été dit en dépit des nombreuses déclarations émanant du Hamas qui disaient le contraire, et malgré le fait qu’une simple analyse des intérêts aurait conduit à la conclusion que, pour l’écrasante majorité des groupes palestiniens, s’opposer au désengagement aurait été absurde.

Le retrait, qu’Ariel Sharon voulait présenter comme une punition pour les Palestiniens, a été perçu par les mêmes Palestiniens comme un triomphe. Le Hamas et le Djihad islamique savaient que, quoi qu’il arrive, ce serait eux qui seraient considérés comme les responsables de la fuite d’Israël de Gaza. Ils savaient aussi qu’une grande partie de la population préférait que le désengagement s’effectue dans le calme. Mais, pour nos services de renseignement, les Palestiniens sont irrationnels. La seule logique qu’ils leur accordent se retrouve dans le vieux dicton : « les Palestiniens ne ratent jamais une occasion de rater une occasion ».

Pourtant, il y avait à Tsahal des gens qui avaient fait une analyse correcte de la situation. Surprise? Il s’agissait de ceux qui étaient quotidiennement en contact avec les Palestiniens. Yoav Mordekhai, commandant du département « coordination et liaison », avait estimé avant le retrait que celui-ci se passerait sans heurts, tout simplement parce que c’était ce que ses collègues palestiniens lui disaient, et parce qu’en bonne logique, personne n’a envie d’être le dernier à mourir dans un combat dont le sort a déjà été décidé.

Néanmoins, malgré le professionnalisme en matière de renseignement des équipes du département « coordination et liaison », les gens chargés d’effectuer les évaluations les considéraient comme de parti pris et trop influencés par leurs relations étroites avec les Arabes. Les décisionnaires israéliens négligent également les simples conversations ou les articles de presse. En revanche, ils adorent tout ce qui a été obtenu de manière secrète, même si ces informations n’offrent aucune perspective claire de la situation, ou si elles sont parfaitement illogiques.

D’ailleurs, il est bien connu qu’il n’est jamais mauvais d’être alarmiste. Dans les milieux du renseignement, on sait bien qu’aucun avertissement qui s’est révélé erroné ne s’est terminé par une enquête. Les avertissements sont aussi un outil qui permet de représenter l’ennemi sous des couleurs sombres ou comme agissant pour des motifs irrationnels, ce qui légitime l’usage contre lui de la force.

Pour toutes ces raisons, il faut que nous, les civils, fassions très attention quand on nous présentera à l’avenir des avertissements des services de renseignement. Bien qu’il soit possible que ceux qui nous alarment fondent leurs estimations sur des faits et des analyses, il est aussi très possible qu’ils ne fassent que servir leurs propres intérêts, ou, tout simplement, comme il apparaît parfois, qu’ils ne sachent rien du tout.