Contrairement à la croyance populaire de gauche, les partisans de Netanyahu ne votent pas contre leurs intérêts, explique le sociologue Nissim Mizrachi.


Traduction : Bernard Bohbot pour LPM

Photo : Avi Gabbay au marché Carmel de Tel Aviv © Tomer Appelbaum

Auteur : Carolina Landsmann, Haaretz, 11 janvier 2020

https://www.haaretz.com/israel-news/elections/.premium.MAGAZINE-the-real-reason-mizrahim-vote-for-netanyahu-and-why-the-left-can-t-win-them-over-1.8378189

Mis en ligne le 2 mars 2020


À la veille d’une troisième élection, au bord d’une rupture entre deux camps politiques, dans une situation de blocage politique paralysant, avec un Premier ministre qui a trois inculpations pénales et le soutien d’une opinion publique plus fidèle que jamais, il vaut la peine d’écouter le sociologue Nissim Mizrachi.

Comme tout le monde, le professeur Mizrachi, ancien chef du département de sociologie et d’anthropologie de l’université de Tel-Aviv, voit les libéraux du pays s’arracher les cheveux à chaque élection, essayant de comprendre pourquoi les communautés les plus faibles du pays, en particulier les Mizrahim (Juifs d’origine moyen-orientale et nord-africaine) de la classe inférieure, rejettent le message de gauche qui leur serait apparemment bénéfique. C’est  la question à un million de dollars dans la politique israélienne : Pourquoi les Mizrahim votent-ils pour Bibi ?

Mais dans l’article phare écrit par Mizrachi en 2012, « Au-delà du jardin et de la jungle » : « Sur les limites sociales du discours sur les droits de l’homme en Israël », le lecteur ne trouvera aucune des réponses standard généralement proposées par le camp libéral : « fausse conscience », « instinct de troupeau », « babouins », « syndrome de la femme battue », « syndrome de Stockholm ». Mizrachi pense que si quelqu’un souffre de cécité, ce sont les libéraux qui pensent que s’ils placent Mizrahim en tête de liste électorale d’un parti de gauche, des masses d’électeurs Mizrahim vont affluer dans les bureaux de vote et voter pour eux.

Le problème n’est pas le « messager », affirme-t-il. La gauche libérale doit plutôt réexaminer elle-même le message qu’elle diffuse. Mais pour ce faire, elle doit faire preuve d’humilité – phénomène assez rare chez les gens qui se considèrent comme les porte-drapeaux du progressisme moral.

« Je pense que le phénomène le plus flagrant de la politique mondiale actuelle est la défaite retentissante de la vision libérale », déclare Mizrachi. « C’est une double rupture : l’une impliquant le gouvernement, dans le sens de l’incapacité de la gauche à prendre pied politiquement parmi les masses ; et plus profondément, l’autre impliquant une incapacité à imaginer un ordre qui accueille les groupes d’opposition ».

Les libéraux, poursuit-il, « ont du mal à croire que ce qu’ils considèrent comme une solution est en fait perçu comme un problème par le grand public, et en particulier par les groupes les plus faibles, qui bénéficieraient vraisemblablement de la justice libérale et des droits de l’homme. Il en résulte un sentiment de désespoir profond chez les libéraux. Leur boîte à outils ne contient aucune option viable pour obtenir une plus large acceptation et gagner des élections ».

Nous avons vu des manifestations de désespoir chez les libéraux à cause des tendances du vote lors des dernières élections [en septembre]. Leur frustration à l’égard des habitants du sud d’Israël, frappés par des missiles, qui continuent à voter pour la droite et pour Benjamin Netanyahu, a commencé à s’exprimer de manière moins délicate : ils souhaitent qu’un missile frappe le sud ou font des commentaires du genre « La prochaine fois que vous serez touchés par des missiles, ne vous plaignez pas auprès de moi ».

L’espèce humaine que j’appelle « homo liberalicus » – des libéraux laïques qui pensent en termes universalistes – a beaucoup de mal à digérer le fait que son message puisse être perçu comme violent. Ces personnes considèrent le libéralisme comme à la fois souhaitable et déjà présent ».

Les libéraux ne se perçoivent pas comme « classables » de l’extérieur.

« Exactement. C’est une vision transparente à elle-même. Quelque chose est également arrivé au monde universitaire, qui a adopté le libéralisme comme approche normative. Je ne suis pas un sociologue libéral, je suis un sociologue du libéralisme. J’observe le libéralisme depuis une distance analytique, comme un phénomène, et j’examine les conditions qui le rendent possible, sa faisabilité dans le monde, ses limites, tout comme j’examine les phénomènes illibéraux, ou d’autres visions d’un ordre social. Mais les libéraux imaginent difficilement que dans leur vision il y ait quelque chose qui évoque la violence, une sorte de prêche missionnaire. Lorsque vous demandez pourquoi les gens votent contre leurs propres intérêts, on peut retourner la question  : Pourquoi pensez-vous qu’ils devraient voter selon vos valeurs ? »

Selon vous, qu’est-ce que la violence libérale ?

« Par exemple, la répulsion vérifiable à l’égard de toute expression de croyance religieuse ou nationaliste. Toute l’histoire de la religion [dans les écoles] – dans de nombreux cas, les diatribes contre sa présence ressemblent plus à une panique morale face à un autre signe de l’envahissement de la jungle dans le jardin éclairé – le jardin éclairé de nos enfants ».

Le problème du libéralisme est clair. Mais quelle est votre position personnelle sur des questions spécifiques, telles que l’exclusion des femmes ou l’attitude envers l’homosexualité ? Ne s’agit-il pas là de domaines où le libéralisme devrait s’affronter à d’autres modes de vie ?

« La confrontation est-elle la seule alternative ? J’élève des filles, et en tant que personne ayant ses racines dans le lieu où elle vit, il est clair que je préfère les voir grandir avec toutes les possibilités qui s’offrent à elles. Mais en tant que sociologue qui observe la réalité d’une société fracturée et d’une profonde diversité, je dois réfléchir à des questions spécifiques du point de vue de différents groupes.

« Ici aussi, sortir du moule libéral nous permet de voir que même la définition d’un problème ne va pas de soi. Par exemple, les femmes indépendantes et libres, pratiquant la religion, s’opposent à ce que la séparation des sexes soit qualifiée d' »exclusion ». Le relativisme moral est devenu quelque chose qui est automatiquement déploré, mais je ne vois pas comment il est possible de nier une réalité dans laquelle les groupes d’une société sont différenciés sur la base de leurs perceptions du bien et du mal et de ce qui constitue une vie morale.

« L’attitude des groupes religieux et traditionalistes à l’égard de l’orientation sexuelle évolue avec le temps, en partie en raison de la diffusion des valeurs libérales, exactement de la même manière que les valeurs et les coutumes du monde religieux se répandent dans le monde libéral. Un regard critique sur le libéralisme ne signifie pas le rejet normatif des valeurs libérales. Mais en règle générale, comme le dit mon ami [le philosophe israélien] Meir Buzaglo, le libéralisme est important, mais n’exagérons pas ».

Douleur d’identification

Lors de notre première conversation, dans un café voisin de l’université de Tel-Aviv – un bastion du « jardin éclairé » du camp libéral – Mizrachi explique que la résistance à la politique universaliste découle aussi de la résistance à la communauté qui la prône. Lorsqu’il explique que les messages libéraux sont considérés comme une menace concrète pour l’identité juive, sa douleur est évidente. Une douleur qui découle de l’identification à ces messages.

Il s’est d’abord spécialisé dans le domaine de la sociologie et de l’anthropologie de la médecine, en menant des études relatives à l’importance que les gens accordent aux différences sociales, à la confiance et à l’autorité dans divers contextes : éducation, médecine et économie. Au cours de la dernière décennie, cependant, Mizrachi s’est concentré sur la sociologie du libéralisme et des droits de l’homme, et sur la possibilité de parvenir à la justice libérale et aux droits de l’homme dans une réalité de diversité sociale. Parallèlement, il a participé à une étude internationale qui a examiné la manière dont les personnes issues de groupes minoritaires font face à la stigmatisation et à l’opprobre dans la vie quotidienne. Il travaille actuellement à un livre sur la façon dont les Israéliens perçoivent la justice sociale.

Décrivez-nous l' »impasse politique » dans laquelle se trouve Israël, en termes sociologiques.

« L’arène politique en Israël est bloquée par un profond clivage entre les groupes identitaires. En ce qui concerne la hiérarchie des deux termes « juif » et « démocratique », le bloc du centre-gauche voudrait voir ce dernier comme une sorte de carte d’identité pour l’État d’Israël. Ce bloc perçoit l’ordre politique et social en termes généraux, laïques et démocratiques. Ses partisans imaginent qu’Israël est un État occidental moderne et fantasment sur l’idée d’un tel pays, mais avec une teinte juive. Le bloc de droite attache beaucoup plus d’importance à l’identité juive qu’à l’identité démocratique. C’est une identité locale qui est liée au peuple juif – avec en priorité ce qui est lié à la défense de l’identité juive de l’État ».

Les libéraux considèrent simplement que tous ceux qui rejettent la libération libérale sont sous l’emprise d’une fausse conscience.

« Attribuer une fausse conscience à quelqu’un dans ce genre de discours est un acte d’objectivation. C’est vider le sujet qui se trouve devant vous de sa subjectivité. Disons qu’une femme qui est manifestement illibérale, défavorisée – une Mizrahi, en l’occurrence – est perçue dans votre imagination et dans votre conscience comme une victime. Il s’ensuit que tout ce qu’elle dit qui n’est pas libéral (par exemple, « Je prie chaque jour pour les forces de défense israéliennes, pour l’État juif que nous avons gagné, et j’embrasse le sol de cette terre »), n’est pas valable en soi. Et puis vous trouvez des explications structurelles sur la façon dont elle est arrivée à cette situation ».

C’est comme ces clips de gens qui se plaignent d’être tout le temps dans des abris anti-bombes et de ce que la situation économique est terrible – et quand vous demandez pour qui ils vont voter, la réponse est : « Seulement Bibi ».

« On suppose que si les gens sont conscients de la hiérarchie et de leurs propres difficultés, ils verront nécessairement cela comme une injustice et penseront que la manière de la corriger est de procéder à un changement structurel ou politique. Or, mes données montrent que beaucoup de ces personnes ont le sentiment que leur souffrance est un sacrifice qu’elles font pour le bien de la nation. Elles ne se voient pas comme des individus qui souffrent d’un mauvais traitement de la part de l’État. Elles sont convaincues que la personne qui se trouve au sommet de la pyramide politique travaille pour leur bien collectif. Peut-être que cela ne va pas bien pour lui, mais elles ne le soupçonnent pas d’agir pour des motifs qui ne sont pas à leur avantage. Il fait face aux problèmes, et les alternatives ne sont pas nécessairement meilleures – bien au contraire ».

Comme dans une famille.

« Oui. Par contre, dans le discours sur les droits de l’homme, qui juge les choses selon le droit international et les règles universalistes, on peut faire une analogie entre un officier de l’armée israélienne et un combattant du Hezbollah. Du point de vue des militants des droits de l’homme, l’analogie est l’expression la plus haute d’humanisme. Mais pour ceux qui ne partagent pas ce débat, c’est l’expression d’une trahison de la pire sorte. Lorsque les personnes que j’interviewe sont des Mizrahim de droite et des électeurs du Likoud, qu’elles entendent parler de Palestiniens [israéliens], d’Arabes ou de Druzes, qui contribuent au pays et sont véritablement loyaux envers le peuple juif et l’État d’Israël – ils sont prêts à défendre jusqu’à la mort leur droit à obtenir un traitement équitable de l’État ».

Même si nous avons vu, dans le cadre de la loi sur l’État-nation [qui consacre les valeurs nationales juives d’Israël par-dessus tout], que les Druzes étaient exclus.

« C’est vrai, mais si vous aviez vu la réaction des gens du Likoud, ils étaient vraiment empathiques. »

Il est vrai qu’un grand nombre de personnes sont venues à la manifestation de protestation de la communauté druze contre la loi sur l’État-nation [à l’été 2018], mais beaucoup moins ont assisté à la manifestation des Arabes une semaine plus tard.

« Ecoutez, préférer nos enfants aux autres est perçu comme presque naturel par les libéraux aussi, n’est-ce pas ? »

Oui.

« Alors quel est le problème de ceux qui délimitent des frontières qui vont un peu au-delà de leurs propres enfants ? »

Dans cette optique, on peut dire que les libéraux repoussent encore plus loin les limites de la loyauté, de sorte qu’elles s’appliqueront à l’ensemble de l’humanité.

« Les gens ordinaires acceptent facilement l’idée qu’un être humain est un être humain, mais sauter de là à l’agitation politique du drapeau de l’universalisme les effraie. Les gens de la droite regardent ce genre d’activité de la gauche comme si ses défenseurs voulaient détruire le monde ».

Vous voulez dire s’identifier aux Palestiniens ?

« Oui. Vous pouvez voir la violence qu’elle suscite chez les gens, chauffeurs de taxi et autres, qui maudissent les manifestations de gauche – et ce sont des gens normaux. »

Et la manifestation libère quelque chose [chez ces gens normaux] ?

« Oui. Vous ne susciterez pas ce genre de comportement ou d’agressivité de leur part sur des questions d’inégalité, par exemple. »

La possibilité d’une fausse conscience existe-t-elle vraiment ?

« Sur quelle base pouvez-vous seulement avancer un tel argument sur la fausse conscience ? Sur quelles hypothèses implicites se fonde-t-il ? L’argument selon lequel nous savons tous qu’un ordre libéral est la chose correcte, naturelle et progressive, et que tous les autres modes de vie et de comportement sont nécessairement une anomalie, est-il valable ? Que tous les types de vie non libéraux sont un problème qui exige une solution ? Que les électeurs du Likoud subissent un « lavage de cerveau », sont « manipulés », « stupides » et « ne comprennent pas qui les dupe » ?

« La gauche libérale n’est pas pleinement consciente de la manière dont ses messages sont perçus comme menaçants. Elle n’est pas consciente du mépris et de la répulsion qu’elle exprime envers ces populations, envers ceux qu’elle appelle « Bibiites ». Je veux dire la répulsion envers les gens qui embrassent la mezuzah, ou tous ceux qu’ils considèrent comme n’étant pas liés à cet ordre [libéral] et même pas liés à un ordre idéologiquement alternatif de sionisme religieux. Et, d’ailleurs, ils [la gauche libérale] réussissent à dialoguer avec le mouvement religieux sioniste ».

Absolument. C’est évident, cela se voit dans l’engouement pour Ayelet Shaked [courant national-religieux].

« Parce que le mouvement religieux sioniste est une société guidée par l’idéologie. »

Et ashkénaze.

« Principalement. Ils les considèrent comme des interlocuteurs dans un débat idéologique. Les Bibiites – et ce point de vue est également partagé par le mouvement religieux sioniste – sont des personnes avec qui on ne discute pas. Quelqu’un m’a lu un tweet de Bezalel Smotrich*, qui disait quelque chose comme « Allez vous faire voir, Bibi-ites » – mais ils dialoguent avec la gauche sioniste et veulent entendre la position de l’adversaire ».

Les élites.

« Oui, des élites modernistes qui parlent avec logique et raison et échangent des idées, une discussion cultivée. Par opposition à un groupe qui, à leurs yeux, ne mérite tout simplement pas d’être dans cette catégorie. Ceux-ci sont objets de mépris et de révulsion – comment osent-ils occuper notre place dans les institutions gouvernementales ? Ils sont méprisés, on leur fait toujours la morale, on leur dit qu’ils sont le visage hideux d’Israël ».

La corruption gouvernementale – à propos des affaires Netanyahu – n’est-elle pas un problème important pour les loyalistes de Netanyahu ?

« Utiliser le terme « corruption gouvernementale » est déjà une détermination de certains faits ».

 Le procureur général a déposé des actes d’accusation et a établi ces faits.

« Ils ont une profonde méfiance envers ceux qui posent les accusations, et donc envers les faits. »

C’est-à-dire?

« Il existe une profonde méfiance à l’égard du système d’application de la loi et des médias. Cela devrait déranger quiconque veut élargir la base de la légitimation sociale de l’État de droit et faire avancer la cause de la solidarité sociale. Les affaires de Netanyahu sont perçues comme une véritable menace existentielle par certains de ses partisans ».

Le crépuscule de la gauche

Mizrachi, 57 ans, a grandi dans le quartier de Kyriat Hayovel à Jérusalem. « Je n’observe pas les préceptes mais je respecte la tradition », dit-il de lui-même. Ses parents sont tous deux devenus aveugles à l’âge de 2 ans, à cause du trachome. Son père, qui est né ici, a été transféré dans une école pour aveugles à Jérusalem. Sa mère a immigré d’Irak en Israël à l’adolescence et n’a pas été scolarisée. Mizrachi a deux sœurs aînées ; lui et sa femme, Iris, ophtalmologue au centre médical Sheba à Ramat Gan, ont trois filles.

Mizrachi, a obtenu un doctorat en sociologie à l’université du Michigan, où il était boursier Fulbright, et a fait ses études post-doctorales à Harvard. Dans les années 1990, raconte-t-il, il était facile d’adopter ce qu’il appelle le discours des identités libérales aux États-Unis, et d’imaginer les Mizrahim en Israël comme une minorité objet de discrimination. Voire d’espérer qu’une alliance des opprimés se noue entre les Mizrahim juifs et les Arabes, et qu’ils s’emparent à eux tous de « la conspiration sioniste ashkénaze ». Cette espérance, dit-il, a enflammé les militants. Ils ont senti qu’il était possible de se connecter à des réseaux internationaux et de participer à un dialogue avec un récit attrayant : à commencer par Martin Luther King, Jr. et jusqu’à tous ceux qui allaient changer le monde et la société et briser l’ancien ordre. Mais lorsqu’ils sont revenus des États-Unis en Israël, avec l’intention de s’attaquer aux « bolcheviks sionistes », ils se sont rendu compte que les groupes au nom desquels eux et leurs collègues présumés parlaient étaient branchés sur une autre station : celle du discours national.

Qu’avez-vous découvert ?

« Que les Mizrahim ne se perçoivent pas comme un groupe minoritaire. Qu’ils ne veulent pas être libérés de quoi que ce soit. Ils ne sont pas arrivés dans un pays neutre, où tout ce qu’ils veulent, c’est être des citoyens universalistes, comme les Arabes et les autres. Ils sont venus en Israël parce qu’ils nourrissent des sentiments profonds pour le peuple juif ».

En d’autres termes, leur libération réside dans le fait même de leur venue ici.

« Précisément. Israël est l’expression et l’incarnation de leur libération en tant que Juifs. C’est également ce qui a provoqué l’éclipse des partis de gauche, qui pensaient qu’en prenant trois Mizrahim [sur leurs listes électorales], il y aurait un glissement de Mizrahim en leur faveur, que tout ce que les Mizrahim veulent en Israël, c’est une représentation. Que dès qu’ils verraient un Mizrahi [allusion au leader du parti travailliste Amir Peretz] avec une moustache, ils se précipiteraient immédiatement pour voter pour lui en masse. Eh bien, maintenant nous voyons le parti travailliste Gesher, qui est dirigé par trois parangons de l’identité Mizrahi : un de la communauté LGBT, une femme et un homme [respectivement Itzik Shmuli, Orli Levi-Abekasis, et Peretz]. Cela creuse-t-il une brèche dans l’électorat du Likoud ? Pourquoi les électeurs du Likoud n’affluent-ils pas vers ce parti ? »

Pourquoi pas, en fait ?

 « Parce que ce n’est pas ce qu’ils veulent. C’est une erreur catégorique de penser que les électeurs du Likoud sont simplement assis en attendant une sorte de dialogue de rédemption qui forge l’égalité entre les pauvres et les riches. Est-ce que c’est ce que veut le reste de la population ? Non. Le reste de la population sait aussi qu’il y a une économie et que c’est bien d’avoir l’égalité des chances, etc., mais que ce n’est pas la fin des fins…

« Les gens demandent pourquoi les Mizrahim votent contre leurs propres intérêts économiques, et je leur réponds par une question : Sont-ils les seuls ? Je connais des colons qui ne veulent que conquérir les collines, ou mes amis des milieux libéraux qui ne recherchent que la justice. Eh bien, ce qui est bien plus important pour les Mizrahim, c’est la force du pays. Le dialogue des identités, qui marque les personnes qui se trouvent dans des endroits spécifiques, peut être en soi stigmatisant. Pourquoi une personne ordinaire, issue de la classe ouvrière, devrait-elle vouloir adopter un label de minorité ? Après tout, la seule « minorité » dans ce pays est constituée de non-juifs. Alors pourquoi souhaiter se retirer du groupe majoritaire ? »

Comme le clip de la femme israélienne qui a insulté une hôtesse de l’air qui ne voulait pas lui vendre de chocolat hors taxes, en lui demandant : « Que suis-je, une Arabe ?

Quelqu’un m’a dit un jour lors d’une conférence : « Tout tourne autour de la sécurité ici. Un missile est tiré sur Israël depuis Gaza et tout le monde vote immédiatement pour le Likoud ». Vraiment ? Regardez les communautés autour de la bande de Gaza. On peut faire une claire distinction entre Netivot, où les gens votent Likoud et Shas à droite, et les kibboutzim locaux, qui sont colorés en rouge. Ils sont frappés par les mêmes missiles et souffrent des mêmes problèmes de sécurité, mais la division [politique] reste ferme. En d’autres termes, la périphérie est une question de démographie et non de géographie. C’est pourquoi Omer [une banlieue aisée de Be’er Sheva] ressemble à des communautés similaires du centre du pays – le fait qu’elle se trouve dans le sud est totalement marginal ».

Y a-t-il donc une autre division que celle de Mizrahim-Ashkenazim en Israël [juif] ?

« Toutes les recherches empiriques que nous avons effectuées montrent que la majorité des Mizrahim est fâchée avec la gauche de Tel-Aviv et même la déteste, mais qu’elle n’en parle pas nécessairement en termes ethniques. Lorsque vous regardez la dispersion ethnique, vous avez une personne qui porte le nom de « Peretz » à la fois dans le mouvement religieux sioniste et dans le mouvement travailliste. Tous deux sont d’origine marocaine, l’un était pilote dans l’armée de l’air [le rabbin Rafi Peretz], tous deux sont à la Knesset et sont ou furent au gouvernement.

La gauche n’est donc pas synonyme d’Ashkénaze et la droite n’est pas synonyme de Mizrahi?

« Comment est-ce possible, si l’extrême droite en Israël est d’origine ashkénaze ? Les Mizrahim n’ont aucun problème à être dirigés par un Ashkénaze s’il est bon pour le peuple juif. Au contraire. Ils ont des héros Mizrahim comme le rabbin Ovadia Yosef – mais aussi Menachem Begin, Netanyahu, Naftali Bennett. Quand ont-ils voté [uniquement] pour des Mizrahim ? Pourquoi sont-ils en colère maintenant et qui défendent-ils – un Mizrahi ? Il est certain que ceux que l’on appelle les Bibi-ites ont un teint ethnique, mais le principe d’organisation qui sous-tend le sentiment d’appartenance au camp n’est pas ethnique ».

Si le soi-disant génie n’est plus ethnique, qu’est-ce qu’il est maintenant ?

« Quiconque essaie de le peindre uniquement en termes ethniques, en se basant sur l’idée que l’ethnicité et le mizrahisme sont le principe organisateur, se trompera à maintes reprises. C’est ce que la gauche a essayé de faire, par exemple, lorsqu’elle a nommé Avi Buskila directeur exécutif de Peace Now, et que les Mizrahim ne sont pas venus ».

Est-ce pour cela qu’Avi Gabbay a échoué à la tête du parti travailliste ?

« Cette question convient mieux aux commentateurs politiques qu’aux sociologues. Mais je pense que l’identité mizrahi en elle-même n’est pas une marchandise très demandée par le public mizrahi. En d’autres termes, être un Mizrahi n’est certainement pas une condition suffisante ni nécessaire pour le succès politique. Ce n’est pas ainsi que fonctionne la politique de l’identité ».

Que voulez-vous dire ?

« Le présupposé selon lequel le public Mizrahi se considère comme un groupe minoritaire, se définissant avant tout comme Mizrahi qui rechercherait donc une représentation Mizrahi, n’est pas fondé. Vous voyez le contraste entre la direction de Labor-Gesher et la direction du Likoud – c’est une expérience en direct qui se déroule sous nos yeux. Vous voyez que trois Mizrahim dignes de ce nom sont incapables d’attirer les votes de la droite ».

Alors peut-être que le Parti travailliste ou la gauche doivent cesser d’essayer de trouver le ou la Mizrahi qui parlera le jargon de liberté.

« Bien sûr. C’est une erreur catégorique de la gauche. C’est une application presque vulgaire et simpliste de la politique d’identité, basée sur l’hypothèse que l’inégalité et l’oppression sont le summum de ce qui motive les Mizrahim en Israël. Cette conception a échoué à maintes reprises ».

Donc, ce que vous dites en fait, c’est : Arrêtez de penser à ce fantasme d’attirer de nouvelles communautés, c’est-à-dire les Mizrahim.

« Ce sont des tours de passe-passe que tous les électeurs du Likoud reconnaissent instantanément. Il y a toutes sortes de tentatives basées sur la thèse que le vote des Mizrahim est une anomalie, et vu à travers cette lentille, les libéraux sont incapables de voir et de percevoir ce que ces électeurs disent réellement. S’ils disent des choses qui ne sont pas compatibles avec l’ordre imaginé par les libéraux, ces derniers ferment immédiatement leurs oreilles et cherchent des astuces. Gabbay, par exemple, a essayé de signaler quelque chose lorsqu’il a dit : « La gauche a oublié ce que c’est que d’être juif ». Il disait qu’il y a ici une population dont la loyauté envers les valeurs juives et l’identité juive de l’État est très profonde et ne doit pas être dénigrée. ”

Mais ensuite, tout le monde s’est jeté sur lui.

« C’est vrai. La gauche pense que Haaretz peut publier des articles tout le temps affirmant que Dieu est un non-sens et que ces gens sont des adorateurs d’idoles, toutes sortes de discours éclairés se présentant comme étant d’avant-garde. Peut-être était-ce de l’avant-garde au 18ème siècle. De façon simpliste, je peux dire que la gauche ne peut pas changer sans subir une profonde métamorphose – sans s’examiner d’un point de vue un peu plus humble. Comprendre que la vision libérale n’est qu’une vision de l’ordre et qu’elle n’est pas éternelle. Il est vrai que Francis Fukuyama a déclaré la fin de l’histoire, mais nous avons vu ce qu’il est advenu de l’histoire depuis lors ».

Visions alternatives

Mizrachi est actuellement chercheur senior à l’Institut Van Leer de Jérusalem, à Jérusalem. Ces dernières années, il a mené des recherches dans deux domaines : des rencontres entre le personnel de l’Association pour les droits civils en Israël et des personnalités publiques et éducatives affiliées au mouvement ultra-orthodoxe du Shas, grâce à la médiation du groupe de réflexion Shaharit** ; et des rencontres entre des membres du Shas et des personnes appartenant au mouvement islamique (en collaboration avec le Dr Erica Weiss, anthropologue culturelle de l’université de Tel-Aviv). Ici aussi, Mizrachi a tenté de rompre le lexique libéral du camp de la paix et de proposer un espace conceptuel alternatif et des visions alternatives de la paix.

Vous expliquez que Mizrahim et Haredim à droite n’ont aucun problème avec les Arabes, ils veulent seulement préserver une identité propre à l’État. Tout comme les musulmans. Ils ne se marieront pas entre eux. Mais la gauche sioniste, qui fait avancer la solution des deux États, dit : « Je ne veux pas me marier, je veux divorcer des Palestiniens ». Ils parlent de séparation.

« La réponse se trouve dans les sources de l’autorité de décision. Si, par exemple, la base de l’autorité pour prendre une décision concernant la séparation [des Palestiniens] est la halakha, cela pourrait certainement fonctionner. Je pense qu’ils ne font pas confiance aux motivations de ceux qui s’enthousiasment pour le droit international et les nations du monde. Ils se méfient de leur loyauté envers l’État. Ils ne leur font pas confiance pour défendre les intérêts juifs ».

Dans une interview, vous avez cité la philosophe politique américaine Elizabeth Anderson, qui dit que pour découvrir la profondeur de la démocratie dans un pays, il faut examiner la diversité sociale de son élite. Quelle est donc la diversité sociale de notre élite ?

« Certaines sections de la classe moyenne et de l’élite sont plus homogènes que d’autres. Mais il existe une mobilité ascendante sans précédent, un mouvement constant vers le haut de différents groupes considérés comme opprimés. Il en va de même pour la classe moyenne arabe en Israël. Il existe des données étonnantes ».

Alors, peut-être que Netanyahu est un libérateur.

« En ce qui concerne la classe moyenne – sans aucun doute. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de secteurs où l’inégalité est omniprésente. Les gens ne votent pas pour Bibi pour des raisons économiques, tout comme ils n’arrêtent pas de voter pour lui quand la situation est mauvaise. Mais ils n’acceptent certainement pas les thèses politiques de la gauche sociale, dont les représentants ont mis en garde pendant des années contre le naufrage de l’économie et l’isolement d’Israël [dans le monde], et aussi contre toutes sortes de catastrophes qui ne se sont pas produites. Les gens font l’expérience du mouvement, ils font l’expérience des possibilités. Pendant de nombreuses années, on a pensé que l’éducation était la chose la plus importante à l’ordre du jour, et que ceux qui étaient dirigés vers certaines écoles [inférieures] finiraient comme nettoyeurs de rues. Mais nous constatons qu’un grand nombre de ces groupes ont trouvé des voies indirectes. Ils se sont lancés dans la politique, ont trouvé la religion, sont entrés dans le monde du spectacle et ont obtenu des postes clés ».

La situation en Israël n’est donc pas si mauvaise.

« C’est ce que disent les enquêtes sur le bonheur et la satisfaction. »

Les gens sont heureux.

« En Israël, le groupe libéral de gauche est le groupe opprimé. »

 Qu’est-ce qui les rend si fous ?

Comment comprenez-vous la demande renouvelée aux Travaillistes de s’associer au Meretz ?

« Il y a toujours une sorte de fantasme, très peu clair pour moi, et même amusant, selon lequel la gauche doit s’unir et devenir une opposition avec un couteau entre les dents. Qui essayez-vous de conquérir ? Ma tante de Kiryat Malakhi ? Comme si elle allait changer si vous venez à elle avec un couteau entre les dents ? »

Peut-être pour se protéger des violents manifestants de droite ?

« Je peux vous dire personnellement que lorsque j’ai participé à des manifestations [d’extrême droite], j’ai vu des gens qui pourraient être mes amis du quartier, que je connais bien. Les gens que je connais seront généreux, gentils et chaleureux dans la vie de tous les jours. Je leur demande ce qui les rend si fous. Pourquoi pensez-vous que des gens qui parlent d’égalité et de justice viennent vous tuer ? Qu’est-ce qui est si effrayant et menaçant dans ce que font et disent les gens de gauche ? On ne peut pas avancer d’un pouce vers ces gens sans comprendre cela ».

Comprendre quoi ?

« Qu’il existe une menace sérieuse pour l’identité. C’est comme si quelqu’un pénétrait dans les recoins intimes de son identité communautaire juive, et éradiquait le seul monde dans lequel il est capable de vivre ».

Que doit faire la gauche ? De quelle manière est-elle censée changer ?

 « Par exemple, en dirigeant un parti radicalement centriste qui rejette la gauche et la droite, et qui offre une bonne base pour le faire, qui se connecte profondément et de manière pragmatique aux problèmes qui doivent être résolus dans la réalité et qui montre un véritable respect pour les préoccupations des gens du point de vue de la solidarité : pour les Juifs qui se soucient del’identité juive de l’État ; pour les musulmans qui se soucient de l’identité musulmane de leur communauté et qui n’attendent pas non plus la rédemption féministe ou que le libéralisme apporte le salut dans leur vie. Nous vivons dans un espace où il existe des communautés qui vivent des expériences morales profondes et différentes. Nous pouvons prendre exemple sur les familles. Que fait une famille lorsqu’elle connaît ce genre de failles, ou lorsque ses membres adoptent des points de vue très différents sur les choses ? Si la famille est solidaire et veut à la fois préserver les limites et conserver la solidarité, elle développe de l’empathie – un dialogue issu de l’empathie ».

Ou alors, il est dit que nous n’en parlons pas au dîner. Comme dans les manifestations apolitiques.

« Dans la dernière étude, nous avons essayé d’examiner quels groupes en Israël entrent en contact avec des personnes différentes d’eux. Les résultats ne sont pas surprenants. Le groupe le plus insulaire et le plus homogène est la gauche libérale, le groupe le plus ouvertement pluraliste concerne les Mizrahim traditionalistes. Leur table de Pâque peut accueillir un homosexuel qui est sorti du placard, un fils qui devient religieux et qui est dans une yeshiva ou un garçon qui fréquente le système scolaire Shas, des électeurs de différents partis assis à la même table. Parce que ces familles accordent une très grande importance à la famille et ne se considèrent pas comme des individus autonomes qui entretiennent des relations contractuelles entre eux, elles maintiennent un modèle pluraliste dans la pratique ».

Donc, en fait, ceux qui maintiennent les vies les plus ségréguées, ce sont les partisans de la gauche libérale en Israël.

« Ainsi que les « groupes extrêmes ». À Mea She’arim, aussi – l’électorat du Shas’’.

Il y a cependant une différence essentielle entre Israël et les autres pays : l’occupation. Avec seulement la gauche engagée à mettre fin à la domination d’un autre peuple, il semble étrange de placer cette motivation au même niveau que celle de préserver l’identité juive face aux valeurs universalistes. Car la préserver ne se limite pas à allumer des bougies de shabbat. Il faut une armée pour préserver l’identité juive.

 « L’utilisation du terme « occupation » est déjà révélatrice d’une position. Certains diraient que les territoires ont été « libérés ». Mais dans la dernière enquête que nous avons réalisée avec l’Institut Van Leer, nous avons demandé aux gens s’ils pensaient qu’il était bon pour Israël de diriger un autre peuple. La majorité a répondu que non, qu’il n’était pas bon pour Israël de diriger un autre peuple. Nous sommes allés un peu plus loin et avons demandé : « Pensez-vous qu’il soit moral [en général] de diriger un autre peuple ? » Là aussi, le résultat est surprenant : Ce n’est pas moral de diriger un autre peuple. Mais parmi ceux qui ont dit que ce n’est pas bon et pas moral, la majorité des personnes interrogées ont dit qu’il n’y avait pas d’alternative. En d’autres termes, il est assez clair pour nous tous que nous sommes coincés dans ce genre de situation, mais la sortie n’est pas claire. Je suis d’accord avec vous pour dire que c’est un problème à part entière ».

Je ne dis pas que c’est un problème à part entière. Au contraire, je dis qu’il est impossible de le déconnecter du débat entre les libéraux et les traditionalistes. Il ne s’agit pas seulement d’un débat sur les valeurs que vous voulez que l’État adopte. Parce que, pour réaliser les valeurs de la droite, l’armée doit régner sur un peuple étranger. Il y a cet éléphant dans la pièce, et celui qui le mentionne perd l’élection.

« Vrai. Mais du point de vue d’une large population en Israël, il est effrayant d’agir à la hâte. De leur point de vue, il ne s’agit pas d’une population innocente là-bas [c’est-à-dire dans les territoires], mais de gens dont la vision explicite est d’anéantir l’État juif. C’est pourquoi nous sommes coincés ici et nous avons besoin d’une armée ici. Et il y a aussi une question très intéressante sur ce qu’est la paix, qu’Erica et moi avons étudiée. Le concept libéral de paix est basé sur un traité et sur le droit international, et historiquement, c’est un point dans le temps qui nous fait passer de l’obscurité à la lumière. En fait, la paix nous fera passer pour toujours dans l’état d’une existence normale. Les groupes communautaires et religieux des deux côtés ne considèrent pas la paix comme une condition finale. Elle peut exister maintenant, mais elle ne sera pas nécessairement pour toujours. De leur point de vue, la paix est bien plus liée à la paix intérieure. Elle doit avoir un contenu. Non seulement un accord, mais comme dans une relation, comme en amour. Et cette relation se construit beaucoup plus par le bas et beaucoup plus lentement ».

En d’autres termes, on peut dire que nous sommes déjà dans un processus de paix ?

« Peut-être. C’est-à-dire qu’une partie de ces groupes de colons et de femmes musulmanes – les femmes palestiniennes des territoires et les colons – s’assoient ensemble et imaginent comment vivre ensemble dans cet espace. Je pense que nous devons nous habituer à penser de manière beaucoup plus dynamique ».

Pour revenir à l’histoire.

« Oui. Le libéralisme dogmatique est anhistorique. »

Alors peut-être que la gauche doit simplement mourir.

« Elle est déjà morte. »

 

*Chef de file de Tkuma, allié à Habayit Hayehudi, Le Foyer juif, nationaliste, conservateur et sioniste religieux.

**Shaharit est un mélange synergique de thinktank, d’incubateur de leadership et de centre d’organisation communautaire qui nourrit un nouveau partenariat social entre toutes les communautés d’Israël, construisant un avenir ancré dans le bien commun. Cf. https://www.shaharit.org.il/?lang=en