Netanyahu s’est rendu à Hébron à l’occasion de l’anniversaire du massacre intervenu 90 ans plus tôt. Première visite depuis 1998 et, bien entendu, l’approche des élections n’y est pour rien. SA a réagi au narratif de haine qu’il véhicule. Ne pas oublier les actes odieux et inexcusables d’une foule en délire, ne pas oublier non plus les actes de bravoure de ceux qui ont sauvé au péril de leur vie quelque 300 Juifs dont un parent éloigné de R. Rivlin, président de l’État… Ne pas occulter non plus ce qu’occasionne aujourd’hui la présence de 800 colons parmi 200 000 Palestiniens…
Traduction : Bernard Bohbot pour LPM
Illustration : carte de Hebron, © Tsahal
Brian Reeves, pour The Times of Israel, le 4/09/2019
https://blogs.timesofisrael.com/using-the-1929-massacre-to-justify-occupation/
Les colons israéliens d’Hébron ont profité de la compagnie d’un visiteur spécial cette année pour le 90e anniversaire du massacre d’Hébron en 1929 : le Premier ministre Benjamin Netanyahou, qui a profité de l’occasion pour se vanter de ses efforts en faveur de la colonisation.
Ce faisant, la controverse au sujet de ce geste a une fois de plus été formulée de manière que ceux qui honorent l’histoire juive soient considérés comme ceux qui soutiennent l’entreprise de colonisation.
Naviguer sur le terrain miné sur le plan émotionnel pour parler de la colonie d’Hébron peut s’avérer être une entreprise particulièrement délicate, surtout avec le massacre de 1929 qui s’y est ajouté. Le massacre, impliquant le meurtre de 67 Juifs à Hébron par leurs voisins arabes palestiniens au cours d’une vague d’émeutes antisionistes, a porté un coup presque fatal à la communauté du deuxième lieu saint du judaïsme, qui a cessé d’exister en 1947 lorsque les dernières familles sont parties.
Pourtant, c’est précisément sur cela que misent ceux qui vendent le projet de colonisation. Si on leur accorde une large place à Hébron, ils pourront utiliser les mêmes tactiques pour décourager la dissidence à l’égard du projet de colonisation en général. Nous devons dénoncer la colonie à Hébron et l’appropriation par les colons du massacre de 1929 qui l’ont détourné à leurs fins politiques.
Afin de contrer efficacement l’ordre du jour de la colonisation d’Hébron et des colonies en général, il faut d’abord reconnaître les arguments qui ne tiennent pas la route. Le droit international exige qu’une puissance occupante ne construise dans un territoire occupé que pour des raisons de sécurité ou pour le bénéfice de la population occupée. Mais si l’on ne croit pas qu’Israël occupe la Cisjordanie, cette interdiction n’a plus lieu d’être. L’armée israélienne doit faire face à un énorme fardeau sécuritaire pour protéger les colonies de peuplement et celle d’Hébron en particulier, mais si l’on croit qu’une cause est juste, alors le fardeau sécuritaire peut être justifié. Rappelons que la Garde nationale a été appelée pour faire respecter l’intégration raciale dans les écoles de l’Alabama.
Enfin, le mantra selon lequel les colonies de peuplement empêchent une solution à deux États semble simple, mais aux nombreuses personnes qui sont soit sceptiques quant à cette solution soit qui la rejettent catégoriquement, ce point peut sembler une imposition superflue à Israël.
Le problème sous-jacent à tous ces arguments anti-colonisation est qu’ils n’expliquent pas en soi pourquoi les Juifs israéliens ne devraient pas être autorisés à vivre dans un pays où ils ont des liens spirituels, culturels et historiques authentiques – en particulier dans les propriétés appartenant encore aux Juifs, comme à Hébron.
Pour éluder ces points, ceux qui font l’apologie de la colonisation utilisent une combinaison de logomachie et de petits mensonges pour formuler des généralisations douteuses. Les colons qui s’installent sous couverture militaire dans un territoire en dehors de l’Etat d’Israël sont simplement qualifiés de « communautés juives qui reviennent vivre sur leurs terres ». Et bien sûr, les territoires « occupés » sont rebaptisés « contestés », ce qui efface le fait qu’il existe une situation de domination sur le terrain où les militaires d’une des parties du conflit contrôlent un territoire et une population privés de citoyenneté.
Il n’y a qu’un seul recours pour surmonter ce tour de passe-passe rhétorique et répondre à la question centrale de savoir pourquoi la colonisation juive en Cisjordanie est si problématique : expliquer ce qu’est l’occupation et ce que les colonies font aux Palestiniens.
La colonie d’Hébron, comme toutes les colonies, est éthiquement inadmissible parce qu’elle implique le déplacement de personnes au-delà des frontières d’Israël dans une zone où leurs propres militaires exercent un contrôle effectif sur une population locale et l’empêchent de jouir de ses droits. Les colonies sont les instruments d’une revendication de souveraineté, et non pas simplement un ensemble de personnes vivant au milieu d’une population étrangère. Exploiter ses militaires pour servir de couverture afin de s’emparer de territoires, tout en empêchant la population locale d’acquérir la citoyenneté du pays qui la domine ou de créer un État qui leur appartienne, est tout simplement immoral.
Choisir de gouverner indéfiniment et de manière antidémocratique une autre population pour des raisons idéologiques est si indéfendable qu’il exige que nous nous opposions à la colonisation juive, même dans un endroit aussi riche de signification pour le peuple juif que Hébron.
Le massacre de 1929 nous rappelle pourquoi les Juifs avaient besoin d’un État. Lorsque nous sommes minoritaires, nous sommes vulnérables aux caprices d’une majorité trop souvent hostile. Mais nous avons maintenant cet état. Utiliser cette majorité pour supprimer les droits d’une minorité constituerait le comble de ‘hypocrisie.
La perte de la communauté juive d’Hébron a également été une perte pour l’humanité. Il est tout à fait naturel que nous, Juifs, par notre attachement profond à la terre et notre sens de la justice, voulions voir la communauté juive de cette ville sainte restaurée. Mais si cela signifie nier les droits des millions de personnes, cela n’en vaut tout simplement pas la peine.
Brian Reeves, directeur des relations extérieures de Peace Now