Trad. : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
De nombreux téléspectateurs ont cru que le discours du Premier ministre à la
nation avait été interrompu à cause de problèmes techniques. Cela leur prit
quelques secondes pour se rendre compte que le discours n’avait pas été
coupé. Il s’etait arrêté parce qu’il en avait terminé. C’était tout ce qu’Ariel Sharon avait à dire au peuple d’Israël, alors que les tanks roulaient dans les territoires de l’Autorité palestinienne, que les réservistes étaient rappelés d’urgence pour la première fois depuis 20 ans, et que la guerre résonnait à la frontière nord. Ce fut une nuit de clichés, sur la « guerre au terrorisme », sur l' »éradication du terrorisme », et, bien sûr, sur le fait de « gagner, au bout du compte ». Le genre de discours que Golda Meir aurait qualifié de « pas assez bon pour ne pas la fermer ».
Sharon a toujours été considéré comme quelqu’un qui agit mieux qu’il ne parle. Ce discours a aussi mis en valeur sa faiblesse dans la catégorie action. L’homme qui avait promis de ramener la paix et la sécurité se tenait assis devant le micro, poudré et rigide, sans que sa bouche n’émette un seul mot qui vaille la peine d’être noté.
Que signifie « gagner »? Qu’arrivera-t-il quand nous aurons « gagné »? Quel genre de plan a-t-il pour le lendemain? Le spectacle qu’a donné Arik, Roi d’Israël, revenait à crier : vous rappelez-vous le roi nu? Eh bien c’est moi!
Dans son premier discours à la nation, le 21 février, Sharon a promis de « balayer l’infrastructure terroriste ». Entre les deux discours, 123 Israéliens sont morts. Ce fut le mois le plus tragique qu’ait connu Israël, en dehors des periodes de guerre. Avec ce mois qui s’est écoulé entre ces deux discours, Sharon a fait un mauvais sort à l’argument favori de la droite, selon lequel davantage de gens meurent dans des accidents de la route que dans des attentats. Ce mois-ci, les statistiques sont allées dans l’autre sens : plus de gens sont morts dans des attentats que sur la route.
Une traduction libre du message subliminal derrière le discours de cette semaine donnerait : « pour répondre a votre question sur ce ce qui va arriver, eh bien je n’en ai pas la moindre idée. »
Certains ministres sérieux, et pas des moindres, qui sentent qu’ils ont été entraînés là où ils se trouvent, commencent à admettre qu’ils ne savent pas vraiment quels sont les objectifs de Sharon. Comment la force militaire détruit-elle l’infrastructure des kamikazes? Que recherche exactement Sharon en isolant et en humiliant Arafat, ou en essayant de le déporter, ou de l’assassiner? C’est vrai, Arafat est un méchant, et il est le cerveau derrière la stratégie de la terreur. Et alors? Personne n’a jamais dit que c’était un ange. Nous ne sommes pas les seuls à le haïr. Dans tout le monde arabe, il est connu pour être celui par qui les ennuis arrivent. Mais même avec tout cela, le monde entier nous dit que c’est lui le patron, et que c’est lui notre partenaire.
Sharon est comme un joueur d’échecs qui excelle dans les ouvertures, mais beaucoup moins dans les finales. C’est la raison pour laquelle il se retrouve empêtré dans de tels gâchis. Par exemple, il a commencé son discours en disant qu' »Israël, sous ma direction, a fait tous les efforts possibles pour obtenir un cessez-le-feu. » Ce n’est pas tout à fait exact. Les représailles violentes de Sharon n’ont pas peu contribué à l’escalade de la terreur.
Quelqu’un qui avait promis la paix et la sécurité aurait dû, en arrivant au pouvoir, faire tous les efforts possibles pour négocier avec Arafat. En tant que partie la plus forte, et la plus riche, il aurait pu proposer une issue pour sortir du cycle de la violence en appelant à des rencontres en face-a-face. Un cessez-le-feu n’est pas en soi un objectif politique, mais le résultat d’un dialogue politique.
Si Sharon était le leader qu’il pense être, il aurait prononcé la deuxième partie de son discours. Il en aurait appelé aux citoyens d’Israël et leur aurait dit, le plus simplement possible, que ni les aspirations des Palestiniens à l’indépendance, ni les attentats suicides ne peuvent être éradiqués par la force brutale. Il aurait proposé des pourparlers à entamer immediatement, au cours desquels il n’y aurait eu d’autre choix que de rendre des territoires et d’évacuer des colonies, et il aurait été du devoir du nouvel Etat palestinien de faire cesser la terreur.
Mais sans courage, et sans réfléchir dix coups à l’avance, le discours à la nation de notre dirigeant a résonné, non comme un message d’espoir, mais comme un ordre du jour à une armée qui s’en va faire la guerre. Après tout, peut-être l’homme n’est-il que cela, et peut-être est-ce tout ce qu’il sait faire.