Une foule compacte de plusieurs dizaines de milliers de personnes a assisté à la commémoration de l’assassinat de Rabin il y a 22 ans, le 4 novembre 1995. Cette année ce sont deux organisations non engagées pour une reprise du processus d’Oslo, Darkeynou (Notre voie) et les Officiers pour la sécurité d’Israël, qui ont pris l’initiative d’organiser le rassemblement prévu ce soir place Rabin, à Tel-Aviv, afin de commémorer l’assassinat de l’ancien Premier ministre israélien. Ces associations ont choisi un slogan sujet à controverses, « Un peuple uni », pour appeler à ce rassemblement ; dans un premier temps, du reste, il n’était même plus question de meurtre – ce qui fut rétabli par la suite, les organisateurs invoquant une « erreur ».
Photo : Place Rabin samedi soir 4 novembre 2à17. un groupe de militants de Shalom Akhshav sous une banderole proclamant, au-dessus du sigle du mouvement, « Shtéi Médinoth leShtéi Âmim / 2 États pour 2 peuples ». Crédit David Chemla pour LPM [DR].
Une vidéo (en hébreu) Retour vers le futur. Quelques images parlantes de la période pré-assassinat
L’Article
‘Haguit Offrant, ancienne responsable de l’Observatoire des colonies de Shalom Akhshav et petite- fille de Yeshayahou Leibowitz, a posté sur sa page Facebook ce texte dont nous donnons ici de larges extraits. Il reflète, nous semble-t-il, ce que les militants de la paix ressentent :
Demain (1er novembre) est la journée dédiée à Rabin au sein du système d’éducation publique. Dans de nombreuses écoles, il y aura une cérémonie ; des enseignants au visage grave demanderont aux enfants de baisser la tête et de se recueillir en mémoire de l’homme, du chef d’état-major, du responsable politique ; et de chanter une belle chanson.
On peut se demander ce qu’est censée ressentir une jeune élève venant d’une maison où l’on prône le « grand Israël » ? Comment porter le deuil d’un homme dont on dit inlassablement chez elle qu’il a causé un tort énorme à Israël ? De fait, elle ne devrait pas le pleurer. Les enseignants n’ont pas à s’identifier à l’action politique de Rabin pour être à même de marquer cette journée. Dans les écoles, dans les cérémonies officielles, les thèmes doivent être l’assassinat politique, la démocratie, l’incitation sauvage au meurtre du Premier ministre. Tel est le message auquel même les gens de droite peuvent et doivent s’identifier, et les cérémonies officielles sont le lieu de son énonciation.
Mais qu’en est-il de la place Rabin et de la commémoration qui s’y tient année après année ? Là est le lieu d’un message politique ; là nous pouvons crier qu’il est inacceptable que le chemin initié par Rabin soit assassiné en même temps que lui ; là est l’endroit où rappeler qu’il fut assassiné pour avoir commencé à agir pour la paix, qu’il fut assassiné parce que d’aucuns ont appelé au meurtre et parce qu’il y eut un meurtrier … et les uns comme l’autre venaient de la droite !
Et voilà que Darkeynou et les Officiers pour la sécurité d’Israël organisent une cérémonie quasi officielle où les chefs des colons pourront s’exprimer et communier dans un sentiment d’appartenance. En quoi cela fera-t-il avancer le débat pour la paix, la fin de l’occupation, et la [juste] solution de 2 États pour 2 peuples ? Un tel rassemblement aurait pu être organisé par la droite.
Alors, tant qu’à s’y rendre, que ce soit pour crier notre désaccord avec ce gouvernement qui s’entête à essayer de tuer les chances de paix et d’une solution à 2 États. »
Effectivement`les militants de Shalom Akhshav sont venus en masse, sans surprise, avec un mot d’ordre politique : « 2 États pour 2 peuples. » Le Méretz, en vert, fut aussi de la partie. Grâce aux lettres tournant haut dans le ciel sur la baudruche des ballons l’arabe fut présent. Leur slogan s’inspirait du fameux « Shalom Khaver » de Clinton lors des obsèques de Rabin et jouait sur la proximité phonique de “Khaver” (ami, camarade) et de “Khasser” (manque). Il est vrai que « la paix manque » tant aux Israéliens qu’aux Palestiniens.
Confronté à cette récupération, Avi Gabbay, le nouveau chef du parti travailliste, a annoncé quelques jours plus tôt qu’en novembre prochain le « parti de Rabin » reprendrait en mains l’organisation de la soirée commémorative.
Annexe